L’incroyable histoire de Martin Bidoure fusillé deux fois

Jean Louis Ferdinand MARTIN naît à Barjols, dans le Var, le 24 août 1825. Il est le fils de François, scieur de long originaire d’Apinac dans la Loire, et de Magdelaine Agnelly fille de cultivateurs. Mais comment cet homme du peuple a t il laissé son nom à des rues, des squares ou des résidences ?

Le contexte

Le 2 décembre 1851 Louis-Napoléon Bonaparte proclame la dissolution de l’Assemblée Nationale. Ce coup d’état a pour but de le maintenir au pouvoir alors qu’il arrive en fin de mandat, c’est ainsi que naît l’épisode des insurgés de 1851. Depuis la révolution de 1848 de nombreux clubs patriotiques et républicains ont vu le jour sous l’égide de « la Nouvelle Montagne » une société secrète dont Ledru-Rollint est l’instigateur.

Le Var ne fait pas exception à la règle et le club patriotique de « la société des Rouges » est très actif dans de nombreux villages dont Barjols.  Louis Ferdinand Martin entrera dans la légende sous le nom de Martin Bidouré, il deviendra le symbole de cette résistance à la dictature pour avoir été fusillé deux fois.

Les faits

En 1851, l’insurrection fait rage et c’est sous le commandement de Pierre Arambide que le 9 décembre le détachement de Ferdinand Martin, dit « Bidouré » prend position sur les hauteurs de Tourtour afin de contrôler la route de Draguignan.Les chefs républicains mal organisés sont dans l’indécision sur la conduite à tenir, Arambide envoie Bidouré à Aups auprès de Duteil pour prendre des ordres. Montant un cheval prêté par Jean Joseph Blanc le maréchal ferrant de Tourtour, (qui sera condamné à la déportation en Algérie) Martin part accomplir sa mission.

Tandis qu’il galope vers Aups, la colonne militaire, montée de Draguignan et commandée par le colonel Trauers et le préfet Pastoureau, surprend le contingent qui s’éparpille dans la nature puis poursuivant sa route vers Aups, la troupe rencontre Bidouré qui revient porteur de l’ordre. Des coups de feu éclatent, blessé d’un coup de pistolet à la tête, et de plusieurs coups de sabre, Martin est laissé pour mort sur le bord de la route. Le rapport du préfet Pastoureau mentionnera simplement « qu’une estafette chargée d’un ordre pour les insurgés avait été fusillée sur la route d’Aups à Tourtour. »

LA LEGENDE EST EN MARCHE

L’histoire du pauvre Bidouré pourrait s’arrêter là, dans un fossé au bord d’une route de l’arrière-pays Varois mais la destinée est parfois obstinée quand elle décide de créer une légende. Ce sont les républicains exilés à Nice faisant alors partie du Comté de Savoie sur lequel règne Victor Emmanuel II, qui feront connaître l’histoire de Bidouré dans sa totalité dans un journal clandestin “l’Echo du Peuple” sur la foi de renseignements provenant d’Aups, dont ceux donnés par Martin lui-même avant son exécution. Le journal du 8 juin 1852 donne la version de sa mort. Lorsqu’il est intercepté par les gendarmes, Martin est conduit devant le préfet Pastoureau qui l’interroge sur les raisons de sa course. On le fouille et on trouve le message de Duteil à Arambide. Le préfet saisit alors un pistolet que porte Martin et le lui décharge en pleine tête. Martin est ensuite sabré par les gendarmes et par un gentilhomme du Luc qui accompagne la troupe. Laissé pour mort, il est abandonné sur place. Cependant plusieurs heures après Martin reprend conscience, il se traîne alors jusqu’au domaine de la Baume tout proche, le fermier le recueille, le panse mais apprenant la défaite des insurgés et craignant d’être accusé d’avoir porté assistance à un rebelle le dénonce le soir même auprès du maire d’Aups, qui le fait transporter à l’hôpital où il est soigné par les sœurs, sous la surveillance des gendarmes. Le lendemain il est conduit devant le peloton d’exécution. Après avoir demandé à se confesser, il reçoit la bénédiction du prêtre, puis marche à la mort avec calme, fermeté et résignation.

 

L’Echo du peuple publiera :

 

« On a fait circuler dans le département du Var une souscription dont le montant est destiné à offrir une épée d’honneur à Mr. Pastoureau. Les souscripteurs se trompent : c’est un pistolet qu’ils doivent voter à l’ex-préfet du Var, aujourd’hui préfet du Lot, en commémoration expiatoire de l’assassinat de Martin » 

Devenu un symbole

Martin Bidouré fera dorénavant partie de la mythologie républicaine du Var Rouge.

Une souscription lancée peu après le cinquantième anniversaire de l’insurrection permettra l’érection du monument de Barjols, monument devant lequel la population manifestera contre l’occupant nazi et ses complices français, unissant l’hommage aux insurgés républicains et l’idéal patriotique de la Résistance. J’ai retrouvé son acte de naissance dans les archives départementales.

Archives Départementales du Var. relevé de Claude Boyer

Claude Boyer

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