Le destin de ces trois grand-mères varoises

Trois nouveaux portraits de femmes de Provence. “Elles ne sont que deux sur cette photo du Méridional d’octobre 1960 mais je vais vous parler de trois dames de Provence du temps jadis.

Elles n’ont brillé dans aucun domaine sinon dans mes yeux d’enfant, du moins pour deux d’entre elles car il y en a une que je n’ai pas connue, ma grand-mère paternelle, la pauvre est morte bien jeune en 1934 ; hélas je n’ai aucune photo d’elle.” 

Direction le Var avec Claude Boyer.

Ma grand-mère paternelle s’appelait Ernestine Chauvier, née au Luc en 1901, fille de Louis de Roquebrune sur Argens et Marie Leidet de Draguignan.

Employée aux abattoirs de Fréjus, à force de trop de journées passées à patauger dans l’eau glacée elle attrape ce qu’on appelle alors « une fluxion de poitrine », un mal qui l’emporte par une froide journée de janvier. Elle a 33 ans à peine et laisse deux orphelins, mon oncle Henri et mon père Raymond.

Sans doute la pénicilline de Monsieur Fleming aurait-elle pu lui être d’un grand secours mais hélas, en ce début des années 30 elle n’en est qu’à ses balbutiements.

Une dizaine d’années passent et un jour de 1941 mon grand-père Stanislas se remarie avec celle qui sera ma mémé de cœur, Valentine Fouques, avec les cheveux blancs sur la photo.

Bien qu’elle se prénomme Angèle, elle a toujours été pour nous « mémé Valentine » suite à la lubie de la châtelaine chez qui elle a été placée à sa majorité en sortant de chez les sœurs, Madame n’aimait pas Angèle et a décidé que ce serait Valentine et ça lui est resté.

Elle n’a pas eu d’enfants mais a été pour ma sœur, mon frère et moi la meilleure des grand-mères. Généreuse, attentionnée, une mémé comme on en souhaite à tous les enfants du monde donnant à ses beau-fils et ensuite à leurs enfants l’amour qu’elle n’a pas reçu durant cette enfance que n’aurait pas désavouée Victor Hugo.

Son père était de Fox-Amphoux, sa mère de Cotignac mais c’est à Puget sur Argens qu’elle voit le jour en 1912. C’est à l’âge de cinq ans qu’elle perd son père Philomain, mort en 1917, les poumons ravagés pour avoir respiré un nuage jaunâtre venu recouvrir la tranchée dans laquelle il se trouvait tout là-haut dans le nord de la France.

Anna Martin sa mère ne se remet pas de la perte de son mari et ne tarde pas à le rejoindre, laissant orpheline la petite Valentine, et c’est ainsi qu’elle a été « placée chez les sœurs ». Elle n’en sort qu’à sa majorité avec pour tout viatique un trousseau qu’elle a brodé elle-même à ses initiales.

Elle a eu une marraine de guerre en la personne de Violette Bouyer-Karr, la petite fille du romancier Alphonse Karr installé à St Raphaël.

Mon autre mémé de la photo, c’est mémé Renée, la maman de ma mère, née en 1908 à Gonfaron, bien que le berceau familial côté maternel soit toulonnais.

Mémé Renée est, selon la terminologie de l’époque, une « fille naturelle », condition dont elle a souffert toute sa vie. Elle a toujours refusé d’évoquer ce père qui devait être aisé car, bien que n’ayant pas reconnu cette paternité, il ne l’avait sans doute pas pour autant abandonnée car elle était toujours vêtue de beaux habits et, pour l’époque était gâtée de jouets que n’aurait certainement pas pu lui offrir sa mère avec un salaire de bouchonnière.

Toujours est-il qu’à mon grand dam je n’ai jamais su qui était cet arrière-grand-père et mon arbre généalogique s’en trouve amputé d’une branche.

Mémé Valentine nous quitte en 1992 et mémé Renée en 2003.

Claude Boyer

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