Avenue du XVe corps

Photo André Abbe

Les villes de Fréjus, Toulon, Nice, Saint-Raphaël pour ne citer qu’elles possèdent une avenue du XVe corps

Mais quel est donc ce régiment, pourquoi lui plutôt qu’un autre a donné son nom à tant d’avenues ?

3 août 1914, c’est la déclaration de guerre entre la France et l’Allemagne. Le Grand Quartier Général qui rêve encore d’assauts à cheval sabre au clair déclare “l’attaque à outrance” contre un ennemi qui depuis 1870 a eu le temps de se préparer solidement aux frontières de l’Alsace et de la Lorraine équipé d’armes de la dernière technologie de l’époque.

Dès le 20 août, les mitrailleuses Maschinengewehr 08 (MG 08) allemandes de dernière génération laminent les troupes françaises équipées de fusils Lebel dont la conception remonte à 1886. Malgré leur vaillance les Poilus battent en retraite, il s’avère que cette stratégie est un échec total et bien sûr il faut trouver un bouc émissaire qui ne sera pas l’incompétence de l’État Major.

IL FAUT FAIRE DES EXEMPLES

Dès le vingt-quatre août le journal “Le Matin” fait paraître un article signé Auguste Gervais, article  vraisemblablement rédigé par le Ministre de la Guerre Alexandre Millerand. «Une division du XVe Corps composée de contingents d’Antibes, de Toulon, de Marseille, d’Aix et de Nîmes, a lâché pied devant l’ennemi. Toute l’avance que nous avions prise (………) a été perdue (……….) malgré les efforts des autres corps qui participaient à l’opération et dont la tenue a été irréprochable, la défaillance du XVe Corps a entraîné la retraite sur toute la ligne. Le ministre de la Guerre (……..) a prescrit les mesures de répression immédiates et impitoyables qui s’imposaient… A l’aveu public de l’impardonnable faiblesse des troupes de l’aimable Provence surprises par les effets terrifiants de la bataille et prises d’un subit affolement, s’ajoutera la rigueur des châtiments militaires … »

L’affaire du XVe Corps est née.

À l’humiliation de toute une population allaient s’ajouter exécutions pour l’exemple, rejet des soldats provençaux, refus de soigner les blessés et lourdes brimades. La réhabilitation du XVe Corps et l’amende honorable qui suivirent n’effacèrent pas les effets d’un racisme anti-méridional ambiant. Boulevards, places, avenues perpétuent dans plusieurs villes du Midi la mémoire de ce Quinzième Corps d’Armée accusé de lâcheté au début de la guerre pour la seule raison qu’il était composé de provençaux et de corses. Un formidable effet de stupeur avait alors saisi la Provence partagée entre la douleur et l’indignation. Malgré la réhabilitation officielle du Soldat Odde, fusillé pour l’exemple, la plaie demeurera longtemps ouverte.

Le soldat Odde

Auguste Odde est né le 29 novembre 1892 à Six-Fours (Var) et exécuté le 19 septembre 1914, injustement inculpé par un tribunal militaire sur le motif de mutilation volontaire suite à un diagnostic “rapide et arbitraire”.

Blessé le 8 septembre, Auguste Odde est examiné par le médecin major de 1re classe Cathoire dans une grange. Le médecin est chargé de désigner des mutilés volontaires possibles. Auguste Odde et sept de ses camarades appartenant tous au XV e corps, sont déférés au Conseil de Guerre. Le 18 septembre, six soldats, dont Auguste Odde, sont condamnés à mort pour abandon de poste en présence de l’ennemi par suite de mutilation volontaire ce qui est faux, ils ont été blessés au combat. Le jugement sera cassé et annulé le 7 août 1917 et le 12 septembre 1918, la Cour suprême réhabilitant les soldats Odde et Tomasini. La Cour suprême reconnait, selon les témoignages des camarades du soldat Odde, 

André Neyton. Photo André Abbe

« que ce militaire ne méritait que des félicitations sur sa manière générale de servir ; que c’était un excellent soldat, très discipliné, ayant toujours eu une belle attitude au feu et s’était fait remarquer par sa bravoure et son sang froid […], que Odde était un agent de liaison très brave et très courageux, dont l’attitude au feu avait été superbe jusqu’au jour où il avait été blessé ».

André Neyton a écrit et mis en scène “La légende Noire du soldat O” au Théâtre de la Méditerranée.

Le soldat Odde . Photo André Abbe

De nombreux fusillés pour l’exemple

Bien sûr Auguste Odde n’est pas le seul à être tombé sous les balles de ses camarades pendant la Grande Guerre. De nombreux autres soldats ont subi ce sort funeste notamment lors de ce que l’histoire retiendra comme “les mutineries de 1917” Nous avons à l’esprit le sort de Lucien Bersot, un Bisontin fusillé pour l’exemple sous le fallacieux motif de “désertion devant l’ennemi” car il a refusé de porter un pantalon ensanglanté, troué et boueux récupéré sur un cadavre. La France a mis longtemps à reconnaître l’iniquité de ces assassinats. Il a fallu attendre 70 ans et le discours de Lionel Jospin, alors Premier Ministre, à Craonne en 1998 pour réhabiliter ces hommes.

Claude Boyer

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