Alphonse Daudet : d’Alès à Frédéric Mistral

Qui ne connaît pas Blanquette, le Sous-préfet aux champs ou Maître Cornille

À la naissance d’Alphonse (13 mai 1840), son père Vincent, négociant en soieries, est pratiquement ruiné. La famille Daudet se réfugie à Lyon et vit dans une quasi misère.

À 16 ans, Daudet est pion au collège d’Alès ; très vite, il rejoint son frère Ernest à Paris où il espère faire publier ses premiers contes. Grâce à l’impératrice Eugénie qui – dit-on ! – aurait apprécié un recueil de ses vers, il est engagé comme secrétaire près du duc de Morny, un patron compréhensif car dès lors, le jeune Alphonse mène une vie de bamboche bénéficiant d’ordres de mission (avec un titre fictif de sous-préfet !) : il voyage en Provence, en Algérie… et engrange des souvenirs qui donneront naissance aux Lettres de mon moulin dans lesquelles on lit Les SauterellesLe Sous-préfet aux champs, et bien sûr La Chèvre de M. Seguin : “… qu’elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande !“ Peu à peu, il devient célèbre tant par ses frasques et ses amitiés que par ses œuvres littéraires.

Bien avant cela, il rencontre Julia… Alphonse est amoureux et Julia est loin d’être insensible au charme de ce garçon “à la chevelure insensée, au regard inoubliable, au front de poète” ! Les parents de Julia – Jules et Léonide Allard, férus de littérature – ne voient pas cette idylle naissante d’un très bon œil… Ils s’informent… et cèdent à la volonté de leur fille. Après tout, le petit secrétaire du duc de Morny semble promis à un bel avenir littéraire… alors… alors Julia épouse son bien-aimé le 28 janvier 1867 !

La matinée si active après une nuit presque blanche ; son arrivée [celle d’Alphonse] vers onze heures ; […] il entre alors ; j’ai peur qu’il ne me trouve pas belle ; ma coiffure un peu changée, et puis mon corsage fait un pli, là, sur l’épaule ; lui-même est très pâle ; mais c’est un bienheureux regard que nous échangeons. Le départ sous la pluie pour l’église mais à la sortie un beau rayon de soleil nous enveloppe… […] Le lunch mes parents ; et tout le monde parti, nous faisons de la musique jusqu’au soir… […] puis, c’est le petit appartement dont ma robe blanche tient tout l’escalier.

La plume de Julia va se mêler à celle d’Alphonse : Leurs deux écritures se suivent, s’enlacent. […] il couvrait les pages après les pages de sa petite écriture serrée, nerveuse, élégante. Un premier brouillon, du premier jet, servait en quelque sorte de canevas. C’est alors qu’intervenait Julia ! Mes souvenirs d’enfance me montrent mon père et ma mère travaillant à deux tables juxtaposées… je portais la copie de l’un à l’autre, ma mère très lettrée et bon écrivain corrigeant ici, ajoutant là, écrit Léon Daudet.

De cette union naîtront trois enfants : Léon (16 novembre 1867) ; Lucien (9 juin 1878) ; Edmée (29 juin 1886).

Décembre 1867

“Comment vas-tu, mon Mistral ? Es-tu heureux ? Que fais-tu ? Un mot, s’il te plaît.
Moi, je suis père ; c’est étonnant ! J’ai fait matelasser toutes les portes de mon cabinet pour ne pas entendre le baby ; mais bah ! Je l’entends tout de même, et ses petits cris me mordent les entrailles délicieusement”.

Il termine par ces mots : Écris-moi – je t’en prie – e subretout parlo me de Mistral.

Pendant de longues années, Daudet écrit surtout à Champrosay, un quartier de Draveil (commune de l’Essonne, à 22 km de Paris) car il faut bien tordre le cou à une légende : il n’a jamais habité, ni séjourné au moulin de Fontvieille… Point de lapins ni de vieux hibou à son arrivée, point de fifres ni de grelots de mules sur la route… Pendant des années, Daudet passe ses étés et parfois quelques mois d’hiver dans la maison du haut de la côte, tout près de la gare de Ris-Orangis, tout près de la Seine. Là, il accueille ses amis : Delacroix, Maupassant, Flaubert, Proust, Zola, Mistral bien sûr, et quelques autres… Et surtout le plus intime, le plus fidèle, le plus apprécié du couple, celui qu’Alphonse appelle “mon Goncourt”, Edmond !

Autre mensongerie ! Paul Arène serait l’auteur des Lettres de mon moulin et Daudet est accusé d’avoir largement plagié l’auteur sisteronais… acte démenti par les deux intéressés ! Ils ne furent pas amis toute leur vie mais ce n’est pas la suspicion jetée sur les Lettres qui attisa le feu entre les deux hommes.
Daudet – “épistolier” célèbre ! – est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages.

Succès, amour, amitiés… tout n’est-il que bonheur chez les Daudet ? Non… Aux tracasseries de toute vie s’ajoute la maladie : probablement contractée auprès d’une dame du monde de l’entourage de l’impératrice, Daudet souffre de la syphilis dont il ne guérira pas. Par des rémissions pouvant durer des années, par des phases d’aggravation, le parasite évolue, atteignant la moelle épinière, les poumons. Il souffre parfois comme un damné, la doulou ne le quitte guère et les doses de morphine que prescrivent les médecins effraient Julia.

Le 16 décembre 1897, Alphonse Daudet meurt à Paris.

“Il mérite des obsèques nationales !” déclare Georges Clemenceau… mais elles furent refusées.

Julia décède le 23 avril 1940.

Sources : Julia et Alphonse Daudet à Draveil – Un couple d’écrivains à Champrosay  – C.L.H.D. – 1997

Jeanne Monin

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