27 janvier 1968, la Minerve ne répond plus

La rade de Toulon-Photo André Abbe.

Juillet 2019, l’épave du sous marin la Minerve a enfin été localisée.

Une énigme vieille d’un demi siècle

Le 27 janvier 1968, La Minerve doit arriver à Toulon dans la soirée, il n’y parviendra jamais.

Le matin même le contact radio est brusquement interrompu un peu avant 8h. Depuis, c’est le mystère pour les familles des 52 membres d’équipage. Jusqu’à ce mois de juillet 2019, quand la ministre des Armées annonce qu’on a enfin localisé l’épave suite à de nouvelles opérations de recherche commencées au début du mois. 

7h55, la dernière communication

En service depuis 1964, La Minerve (classe Daphné) est l’un des fleurons de la Marine française, un concentré de haute technologie de l’époque.

Un exercice en Méditerranée a lieu début 1968. Après 9 jours de manœuvres, il rentre à Toulon le 27 janvier, pour déposer un membre d’équipage, le lieutenant de vaisseau Merlo, souffrant d’une rage de dent qui lui sauvera la vie.

Le vaisseau repart ensuite au large pour son dernier voyage afin effectuer un exercice avec un avion Breguet Atlantic, le bâtiment se trouve alors à 46 kilomètres des côtes.

Dès le début, les conditions météorologiques sont très difficiles, les militaires annulent alors la mission pour effectuer une simple calibration radar, le Mistral souffle alors à 110km/h provoquant une forte houle et perturbant les liaisons.

À 7h55, le sous-marin demande d’annuler la prochaine calibration de 8h, le Breguet Atlantic accuse réception et quitte la zone. Jusque-là, rien d’anormal, il s’agit en réalité du dernier contact radio avec le submersible.

Dans la soirée, alors que le bâtiment est attendu pour 21h en rade de Toulon, l’inquiétude se fait jour. Les différents sémaphores chargés de la sûreté maritime sont questionnés mais aucun ne signale la Minerve. L’alerte est lancée dans la nuit à 2h00, le ministre des Armées Pierre Messmer et le Président de la République, le général de Gaulle, sont prévenus. Toutes les forces militaires maritimes autour de Toulon sont envoyées sur place pour entamer au plus vite les recherches.

Le temps passe mais il faut se rendre à l’évidence, le sous-marin a bel et bien coulé par le fond. On conserve néanmoins l’espoir de retrouver des survivants car le navire dispose d’une centaine d’heures d’oxygène de réserve. Hélicoptères, avions, navires et même le porte-avions Clemenceau sont sur zone. Tout le personnel au repos est appelé dans les rues de Toulon par des véhicules munis de haut parleurs.

À ces secours s’ajoute la capsule plongeante de la Calypso du commandant Cousteau. “Même si c’est dans un mois, il faut retrouver cette épave, il faut l’identifier, il faut savoir pourquoi elle a coulé, il le faut”, répète le célèbre océanographe.

Mais les recherches sont abandonnées 5 jours après le naufrage, une fois que les réserves en oxygène sont considérées comme épuisées. Les moyens techniques de l’époque ne permettent pas de fouiller les fonds marins qui peuvent atteindre 2000 m au large de Toulon.

En 1968 et en 1969 deux autres campagnes de recherche sont organisées sans plus de succès, l’affaire devient alors secret défense.

La Grande Muette se mure dans le silence.

Pourquoi ce silence ?

Parce que les enjeux militaires et économiques sont à l’époque très importants. Les sous-marins de la classe Daphné sont alors un fleuron de l’industrie française, la découverte d’avaries peut amener à l’annulation de ventes.

15 jours après le drame, le général de Gaulle effectue une plongée à bord d’un sous-marin identique, l’Eurydice, pour prouver que les “Daphné” sont des bâtiments sûrs.

Ironie de l’histoire, l’Eurydice sombrera lui aussi deux ans plus tard au large de Saint-Tropez, emportant à nouveau avec lui 57 membres d’équipage. On le retrouvera, mais sans survivant.

Le fils du commandant de la Minerve, Hervé Fauve raconte. “Je me souviens parfaitement de ce matin du dimanche 28 janvier”

La perte de la Minerve a laissé 52 familles dans le deuil, 28 orphelins et 17 veuves. Hervé Fauve avait 5 ans à l’époque, il se souvient. “Ce matin du dimanche 28 janvier, ma mère ne s’inquiète pas outre mesure, elle est habituée aux retours décalés de mon père pour des questions de service qu’il ne détaille jamais. Au milieu de la matinée, deux officiers de Marine sonnent chez nous et annoncent la mauvaise nouvelle. Ma mère s’effondre, je me demande ce qui se passe et en larmes, elle m’explique que je ne reverrai plus mon père”

Malgré les questionnements qui planent sur cette tragédie, Hervé Fauve n’aura de cesse de comprendre ce qu’il est arrivé à son père, Il a créé, un site internet rapportant le résultat de ses recherches personnelles.

Claude Boyer

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