Hommage aux artisans pêcheurs du monde

Guy d'Arco sur son pointu complice de toute une vie

Artisan pêcheur tropézien, Guy d’Arco est né en Tunisie, de parents bonifaciens. Il est un des derniers représentants de la pêche traditionnelle locale dans la cité du Bailly.

Les débuts d’un jeune pêcheur.

Retour au port

Guy d’Arco a 69 ans, il a grandi à Saint-Tropez et pratique la pêche depuis 55 ans. Profondément épris de son village et de la mer, son enseignement au métier de pêcheur a commencé à l’âge de 14 ans.

Avant de choisir ce métier, le jeune Guy avait fait un essai chez Monsieur Robert Maddalena, architecte, puis dans la plomberie chez Monsieur Gilbert Spada, plombier bien connu et respecté à Saint-Tropez. Ce dernier était le beau-fils d’un des meilleurs pécheurs du Var, Monsieur Queirolo, dit Jojo. Sachant que Guy fréquentait très régulièrement les pêcheurs du vieux port et se rendant bien compte que la plomberie suscitait peu d’intérêt chez l’adolescent, Monsieur Spada proposa à Jojo de lui apprendre le métier. Jojo accepta sans hésiter.

Une journée de pêche.

Elle est fraîche ma langouste !

Le premier prud’homme et la prud’homie de pêche.

Pêcheur et Prud'homme

Guy d’Arco est actuellement premier prud’homme au sein de la prud’homie de pêche Tropézienne. La prud’homie représente le bâtiment qui abrite l’institution et le matériel de pêche. Celle de Saint-Tropez se trouve sur le port, au début du môle Jean-Réveille à deux pas des bateaux de pêche. C’est aussi l’endroit où l’on se retrouve pour discuter à l’abri, mettre le poisson dans les frigos à disposition, avec la machine à glace. Le terme prud’homie définit l’institution qui regroupe les pêcheurs et gère une zone. La zone géographique où s’exerce le pouvoir de prud’homme de Saint-Tropez s’étend environ sur 65 kilomètres de côte, de la plage de Pramousquier (limite communale entre le Rayol-Canadel et le Lavandou) à la plage de la Garonnette (limite communale entre Sainte Maxime et Roquebrune-sur-Argens).

Le premier prud’homme ainsi que ses assistants ont le pouvoir d’élaboration des règlements prud’homaux, de décision et de jugement sur l’ensemble de leur circonscription. Ils ont aussi un rôle de représentants de la profession auprès des collectivités locales ou des institutions professionnelles comme le comité local de pêche. La prud’homie gère les modalités d’exercice de la pêche et de commercialisation des produits. Elle a aussi un rôle interne de soutien social auprès de ses membres et de leur famille.

La prud’homie tropézienne s’est investie dans la lutte contre la pêche au gros afin de préserver le métier traditionnel de la pêche. Elle lutte également contre la pollution et essaie de protéger tout ce qui est susceptible de nuire à l’écosystème marin.

Guy d’Arco travaille tout au long de l’année. C’est une activité qui se fait en fonction des saisons, dans le respect de l’environnement et des captures. Il est très important de respecter le rythme des reproductions, pour ne pas épuiser prématurément les ressources marines. Aux mois de janvier et février c’est la saison des colinots. En mai et juin, c’est la langouste et le Saint-Pierre. D’août à octobre, il y a le sar, la dorade et le rouget.

En début de saison, la journée de Guy commence à l’aube. Il prend la mer sur le « Louis Sébastien » afin de sarper les filets à langoustes, à chapons et bouillabaisse.

Le « Louis Sébastien » est une embarcation faite en bois. Lourde et solide, elle tient parfaitement la mer et peut également marcher à la voile. Louis est le nom du grand- père de Guy, pêcheur à Bonifacio, et Sébastien le nom de son fils. De type martigane, ce pointu exceptionnel, est bien plus qu’un outil de travail, il est l’allié, le complice de toute une vie.

Puis, quand les filets sont tirés, Guy rentre au port.

Différents types de filets sont utilisés selon la pêche souhaitée : filets à langoustes, filets à Saint-Pierre, filets à rougets (plus
petits), filet de toile à merlans, filets de toile plus gros l’hiver pour les loups et les dorades. Leur utilisation dépend de plusieurs
facteurs, tels que les courants, les fonds, les espèces recherchées, la météorologie. Mais il y a aussi la connaissance de la topographie côtière et l’expérience du métier. Il arrive à Guy d’aller jusqu’au large du Dramont ou encore au large du Cap Camarat.

Le poisson sera vendu aux restaurateurs de Saint-Tropez et de ses environs mais aussi aux gens du pays et aux touristes, Place aux Herbes au marché à poissons.

Les jeunes et le métier de pêcheur.

Actuellement, peu de jeunes choisissent le métier de pêcheur. L’activité est difficile avec un rythme de travail contraignant et une activité saisonnière intensive. De plus les normes européennes, les charges, l’obligation de racheter une licence finissent par décourager les éventuels nouveaux pêcheurs. L’achat d’un bateau et des pièces de filet demandent un investissement financier de départ important. Il faut compter autour de 150 000 euros pour un bateau, et entre 15 000 et 20 000 euros de matériel à renouveler tous les ans. »

Aujourd’hui à Saint-Tropez, il ne reste que quelques pêcheurs : Guy d’Arco, André Raggio, ancien Premier Prud’homme, Pascal Raggio, fils d’André Raggio, Christophe Jouan, Franck et Eric Canova, Michel et Rémi Volland

L’amoureux du métier.

Pour Guy d’Arco, il n’y a pas plus beau métier que celui de la pêche. Il aime la nature et « quand on aime la nature on se doit de la protéger » souligne-t -il. Jamais il ne se lasse de la beauté du large, des levés de soleil flamboyants, des pleines lunes argentées, des dauphins taquins qui jouent près de son pointu. Pendant de longues années il a dormi à bord de son bateau contemplant la voûte céleste et les étoiles qui scintillent tout là-haut. Ce rapport à l’univers le remplit d’une incroyable et indéfinissable quiétude. C’est avec humilité qu’il remercie la mer et notre terre nourricière. La pêche c’est le respect de toute forme de vie.

Épilogue

La pêche artisanale et ses pêcheurs comptent aux yeux des Tropéziens. Cette « petite pêche » est une fierté, un héritage précieux, authentique, transmis de génération en génération. Elle garde nos rêves intacts, elle protège nos liens de fraternité et notre liberté. Comme il serait regrettable qu’elle disparaisse à tout jamais !

Merci à Guy d’Arco et aux artisans pêcheurs de Saint-Tropez.

Texte et photos Patricia M. Renoux

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