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- Un quiz
- Abbe.Photo…
L’arapède… Le “Pass My Provence”… Petite histoire entendue un soir d’éte… - La bibliothèque de Passadoc
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Jean-Philippe Tinois
Malheureusement les fleurs stériles n’ont pas de pollen et c’est de justesse que les essaims d’abeilles reviennent d’une transhumance qu’elles n’ont pas souhaité, affaiblies, car n’ayant pas pu produire de nouveaux colocataires faute de pollen dans leur garde manger .
Passadoc !
… le site qui franchit les mers et s’en va tout là-bas raconter les histoires de notre Sud
aux cousins de la Belle Province. Car Bernard Garant – Québécois et ami de Provençaux – avait trouvé la réponse du quiz !
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André Abbe
L’arapède
Vous êtes “fruits de mer” aux repas de fête ? Dans six semaines c’est Noël ! Alors André donne ses conseils et un mot d’argot provençal :
À l’approche des fêtes de fin d’année, pensez aux fruits de mer qu’il faudra commander au poissonnier du quartier. Aussi, je veux en profiter pour rendre hommage au plus modeste d’entre eux… que vous ne trouverez pas chez un mareyeur.
Voici l’arapède, en français chapeau chinois ou plus précisément bernique. Précisons que la forme de l’arapède rappelle plutôt le chapeau vietnamien que le chapeau chinois. Bref, passons.
Mon ami Henri cuisine des spaghetti aux arapèdes (pêchées par lui) délicieux. Il sait rendre ces petites bêtes “mastégables”, sinon on peut avoir l’impression de mâcher un pneu.
L’arapède c’est aussi en Provence maritime la personne qui ne veut pas vous lâcher.”
Photo : André Abbe
Giselle Penat-Laborde
L’arapède, une “succulente” madeleine de Proust, liée à des tas de souvenirs d’enfance …
L’arapède – la bernique, la patelle, le chapeau chinois – un nom qui avait le don de me faire rire, enfant. Allez savoir pourquoi ? surtout quand mes grands-parents et parents le disaient en provençal : “alapedo, arapedo”.
J’adorais aussi les manger, quand j’accompagnais mon grand-père et/ou mon père aux oursins, (comme nous disions si bien), en sautant comme un cabri sur les rochers avec de belles sandales en plastique, aux Issambres et du côté des Sardinaux, les décrocher avec un canif des rochers – à manier avec dextérité et en ces temps-là, le bon vieil opinel devait être de sortie – toujours en choisissant les plus petites, car moins coriaces et plus faciles à décoller et à manger. Un chewing-gum à l’iode !! J’entends encore mon père et mon grand-père dire : Mâche les bien !…
Nous en récoltions aussi pour les ramener à la maison et maman les cuisinait, avec des pâtes et/ou du riz. J’ai continué d’ailleurs à le faire bien des années plus tard. Maman les tapait pour les attendrir, comme pour le poulpe. Et moi de rouspéter, qu’on leur faisait mal…
J’en ai mangé aussi en Corse : “Arapèdes au riz” – “Lapare incù u risu”.
J’ai le vague souvenir que des pêcheurs les utilisaient aussi comme appâts.
On pourrait se pencher d’ailleurs sur toute l’étymologie fort intéressante du mot tant en occitan/provençal qu’en langue corse ! Je laisse le soin aux spécialistes de faire cette recherche !
Et sauf erreur, il y a une rue à Marseille dans le 8°, qui porte le nom de Rue des Arapèdes. Souvenir de mon grand-père paternel, dit “le Marseillais” chez les compagnons du devoir, et pour lequel Marseille, qu’il connaissait mieux que sa poche, n’avait aucun secret.
C’est dans Marius de Marcel Pagnol (1931) qu’on trouve cette magnifique réplique :
J’en ai connu cinquante comme ça qui parlaient de faire le tour du monde et qui sont restés bien au frais dans leur magasin, au lieu d’aller mourir dans quelque naufrage pour engraisser les arapèdes sur la côte des Malabars.
Dans un roman de Lucien Lubrano (écrivain manosquin, certes moins connu que Marcel Pagnol et Jean Giono – autre genre aussi de littérature – découvert en passant et en traînant dans la bibliothèque/secteur des écrivains régionaux, que j’affectionne – Ses trois premiers romans sont une trilogie/science-fiction.
Dans l’ordre :
1. Une lueur dans les yeux
2. Le Choix d’un ange
3. Reflet d’un autre temps
Mais je suis calme, bonne mère ! C’est ces deux babaous, là, qui m’ont énervée. Ils me péguaient comme des arapèdes.
Le capitaine de surveillance s’approche d’elle les deux mains en avant comme pour se protéger. Il s’avance à petits pas pour donner l’impression qu’il ne bouge pas. » (Le Choix d’un ange)
Ce fut … oui… d’une arapède à l’autre… et je n’ai rien oublié, pas plus que les tables de Noël avec les plateaux de coquillages, mais ceci est une autre histoire.
Avec aussi un autre souvenir d’un cousin lointain, officier, qui avait vécu dans ce que nous appelions “l’Indochine”, s’exclamant : Bernique, bernique, pas un chapeau chinois, mais un chapeau vietnamien, qu’on vienne donc voir les jolies tonkinoises avec leur chapeau !
… et d’enchaîner sur “Ma tonkiki, ma tonkinoise …”
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C’est moi qui suis sa petite
Son Anana, son Anana, son Anammite
Je suis vive, je suis charmante
Comme un p’tit z’oiseau qui chante
Il m’appelle sa p’tite bourgeoise
Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
D’autres lui font les doux yeux
Mais c’est moi qu’il aime le mieux !
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L’arapède mise à toutes les sauces !
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Jeanne Monin
Mes souvenirs sont ceux de l’été, ceux des vacances…
Pour moi aussi, ces coquillages étaient “chapeau chinois” ; j’ai découvert “arapède” seulement depuis que je lis “Passadoc” et que je fréquente les gens du Sud !
Il est beau ce mot… il ressemble à “arabesque”, telles les lignes qui sinuent sur la coquille.
En Bretagne, on l’appelle “bernique”. Et comme la patelle, aucune tempête si forte soit-elle ne peut l’arracher à son rocher.
Une seule fois, j’ai réussi ! Une étourdie sans doute qui avait oublié que les vacanciers sont capables de tout et qui bâillait au soleil. Apeurée, elle s’est toute recroquevillée, comme une huître qui reçoit du citron dans les yeux. Alors confuse, je l’ai reposée pour qu’elle continue à brouter ses algues microscopiques : “Au revoir Madame… Excusez-moi de vous avoir dérangée !“
Je viens de lire que lorsqu’elle part en balade, elle fait comme Poucet : elle laisse une trace (visqueuse) qui lui permettra de retrouver son chemin et de rentrer son encombre au logis !
Autre découverte que je ne saurais garder : il existe le verbe “berniquer” [vous le saviez ?] et j’ai bien l’intention de l’utiliser !
– Berniquer. — S’en aller pour ne plus revenir. Mot à mot : agir comme si on disait bernique. — (Lorédan Larchey, Dictionnaire historique, étymologique et anecdotique de l’argot parisien, 1872).
– Berniquer, c’est aussi muser, lambiner, perdre son temps à des riens, s’amuser à de petites choses. — (Revue de linguistique et de philologie comparée, 1903).
Autres lectures :
– C’est comme cela qu’elle désigne son petit gars de bientôt 2 ans. Arapède, toujours collé à sa mère.
Et Georges Duhamel dans Chronique des Pasquier, (Mercure de France, Paris, 1938) :
Je leur donnais des cigares et ils n’aimaient pas le tabac. Alors, bernique, c’est fini. Plus de cadeaux.
Allez ! jusqu’au revoir… je m’en vais berniquer…
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Le “Pass My Provence” vous connaissez ?
Trois mots qui irritent fort André Abbe !
Ce “Pass My Provence” ne s’adresse pas aux anglophones en visite mais aux habitants des Bouches-du-Rhône ! Il leur propose, à l’occasion de la visite d’un monument, d’un site, d’un musée du département, d’offrir un billet gratuit à la personne qui accompagne quelqu’un qui aura payé son billet.
Cent cinquante ans après avoir voulu abandonner le provençal au profit du français, des renégats provençaux sont prêts à abandonner le français au profit de l’anglais, au nom d’une modernité de façade.
En plus, “Pass my Provence” n’évoque rien. Il faut lire l’explication qui suit pour comprendre.
Je suis Varois, je ne devrais pas me mettre en colère puisque ce “Pass My Provence” ne me concerne pas.”
Et cet anglais – trop fréquent dans notre “hexagone” – n’agace pas qu’André !
Jean-Pierre Violino
Nos élites ont abandonné le français… La langue officielle de l’Europe est l’anglais alors que le royaume uni n’en fait plus parti. Dans les musées en Italie tout est écrit en anglais, plus rien en français … alors …
Claude Boyer
– Bravo Dédé… Entièrement d’accord avec toi !
Jeanne Monin
Belle colère d’André !
Bien sûr qu’il faut s’insurger contre cet anglais trop envahissant ! même s’il est entré par ruse dans notre vocabulaire avec “week-end” et “tramway” par exemple.
Saine révolte, même si l’anglais a déjà gagné ; il est partout, dans le scientifique, dans le commerce et ne parlons pas de l’informatique ! Je lutte à ma façon – microscopiquement, nanoscopiquement ! – en utilisant “courriel” de préférence à “email”.
Mais comme tout le monde, je mange des sandwichs, des steack-frites, ou un hot-dog… me vois mal demander un “chien-chaud”…
À côté de “Sauvons le français !”, il nous faut aussi sauver les langues régionales. Quel travail !
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Petite histoire entendue un soir d’été, sous l’olivier…
Enfant, Vincent n’était pas bien causeux… ; aujourd’hui encore, il ne dit que l’essentiel :
– Quand on aura fini l’été, on se mariera…
– Quand on aura vendu assez de moutons, on partira en voyage…
– Quand on aura plein d’argent, je te bâtirai un château !
Ça fait sourire Juliette :
– Ah ! toi et tes “quand on aura” !
Pourtant, tout n’est pas que paroles vaines : ils ne sont pas partis en voyage mais ils se sont mariés ; Vincent n’a pas bâti de château mais il a construit une jolie petite bastide, près du mas de Madame Louise. Et sur le linteau de la porte d’entrée, il a fait graver : “Cantonnora“
C’est bonheur de les voir heureux… trois enfants sont nés… et puis la ville les a happés. Madame Louise ne les voit plus que l’été. En août dernier, ils lui ont dit :
– Nous ne viendrons pas l’an prochain : nous allons vendre la maison. Au revoir Madame Louise ! Et surtout, prenez bien soin de vous !
Ce matin, un employé de l’agence est venu poser un panneau.
– Dites-moi… que signifie “Cantonnora”
Madame Louise a souri… et malicieuse, elle a répondu :
– C’est du vieux provençal… ça veut dire “Rêves”.
Texte Jeanne Monin
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Photos François et André Abbe.
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