La Gazette de Passadoc – N° 107

L'hebdo 107

 L’olivier et les olives

Photo André Abbe

C’est un arbre millénaire, quasi mythique.
Les fouilles archéologiques trouvent sa trace 8 000 ans avant J.-C. [certains disent 14 000 !]. En zones méditerranéennes il est partout ; il  fut cultivé dans toute l’Asie mineure.

Il est présent dans les trois grandes religions monothéistes : la Torah, la Bible, le Coran. Dans l’un des livres, il est dit que “l’olivier est le premier des arbres” ; on le retrouve dans le jardin d’Éden, près du pommier “interdit”.

C’est un rameau d’olivier que la colombe (la paix) apporte à Noé, lui signifiant ainsi que la terre est proche et que le déluge est terminé.
Autres symboliques :
– la force : l’écorce est rude, épaisse.
– la victoire : aux jeux d’Athènes, on déposait une couronne de feuilles d’olivier sur la tête des vainqueurs.
– la longévité, l’espérance : l’arbre qui existe depuis si longtemps est dit “éternel”.

Quand les grands navigateurs espagnols et portugais partent à la découverte du nouveau monde, ils l’emportent dans leurs bagages ; il s’épanouit aujourd’hui en Argentine, au Pérou, au Chili, au Mexique et en Californie ; il pousse également en Australie et au Japon.

Il semble que le plus vieil olivier au monde se trouve à Vouves, en Crête : il aurait 3 000 ans [certains disent 4 000 !]. Haut de 7 mètres, un tronc près de 15 mètres de circonférence, il produit encore près de 300 kg d’olives tous les deux ans. Selon les scientifiques, son fructification remarquable est due aux conditions du sol et au soleil crétois. Est-il besoin de préciser que l’huile extraite de ses fruits a des qualités exceptionnelles ?

Ah ! l’huile d’olive… Dans la Grèce antique, elle soigne les courbatures, les ulcères, le choléra… Aujourd’hui, elle réduit les risque de maladies cardio-vasculaires, elle prévient toujours les ulcères, favorise la croissance, recule le moment d’une éventuelle sénilité… et elle fait merveille sur la peau ! Bref, hors l’huile d’olive, point de salut !

Et notre huile à nous dans tout cela ?

Patience… elle arrive* !

* Recherches dans divers articles : Jeanne Monin

Mon père François Abbe (né en 1906) m’avait raconté que son grand-père donnait aux dames qui venaient récolter les olives chez lui, dans les Cavalières, le choix entre un litre d’huile ou un franc, en paiement d’une journée de travail. Je me demande si c’est l’huile qui valait trop cher ou si le travail des femmes était sous payé.
 
J’avais fait remarquer à mon père que notre ancêtre était particulièrement “raspi” (radin). Mais non, à l’orée du XXe siècle, il s’agissait du salaire en cours pour les femmes. Je regrette de ne pas avoir pris de notes ce jour-là. Je ne sais plus s’il s’agissait du grand-père Jean Abbe (1840-1926) ou du grand-père François Gautier (1838-1904), tous deux propriétaires dans les Maures.
 
L’huile d’olive aujourd’hui vaut entre 5 et 30 euros le litre dans le commerce. On doit trouver plus cher dans certains moulins. Mais je ne connais personne, en 2023, qui accepterait de travailler pour le prix d’un litre d’huile d’olive pendant 7 ou 8 heures.
 
La culture de l’olivier n’a jamais été prioritaire dans notre famille mais elle a toujours été présente. Je me souviens d’avoir accompagné mon père apportant des olives, vers 1950, au moulin qui se trouvait dans le quartier du Galinier, sur la placette de la poste. Un vague souvenir.
 
Puis tous nos oliviers, sauf un toujours en place, ont été gelés en février 1956.

Mal conseillé par l’expert oléicole de l’après 1956, mon père avait planté une variété d’olives de table, la Sigoise, venue d’Afrique du Nord, mal adaptée à notre sol et à notre climat. Fatale erreur. Une année sur deux, nous achetons notre huile d’olive chez les marchands.

La dernière fois que j’ai rencontré le regretté André Gayol, à l’occasion d’une modeste récolte, nous avions goûté ensemble l’oli novèu, l’huile nouvelle (oli est masculin en provençal) dans son moulin de Saint-Martin. Un bon souvenir.
 
Mes neveux Nadine et Bernd maintiennent la tradition familiale de la récolte des olives quand il y en a à cueillir. La récolte de l’hiver 22-23 a été nulle, hélas.
 

Veirem l’an que vèn… Autrement dit : ” On verra l’an prochain” !

Claude Boyer : Voilà qui me rappelle un séjour en Afrique, au Mali plus précisément.

Nous faisions construire divers bâtiments à Katibougou, au sud de Bamako sur la route de Guinée. Ce village est à environ deux kilomètres du Niger ce qui nous facilitait la tâche pour nous procurer l’eau nécessaire au ciment sans pomper dans les puits vitaux pour la vie du village.

Au début, nous avions imaginé faire appel à un ânier ; sa remorque aurait tôt fait de nous ramener deux fûts de 100 litres par voyage ; à deux ou trois voyages par jour, nous aurions ainsi pu ainsi couvrir nos besoins.
Mais les choses ne se sont pas passées comme nous les avions imaginées. Le seul ânier du village équipé d’une remorque était occupé par ailleurs et ne pouvait se libérer avant un mois ; or, il nous fallait absolument commencer les travaux immédiatement.
 
Nous faisons part de notre problème au dougoutigui (chef du village) qui nous propose d’embaucher des femmes du village qui seraient heureuses de se faire un salaire en allant nous chercher de l’eau.
Aussitôt dit, aussitôt fait ; dès le lendemain matin, nous avions une noria de femmes en boubou, certaines avec leur enfant dans le dos, faisant des allers-retours entre le chantier et le fleuve avec une calebasse sur la tête pour un salaire de 1000 francs CFA par jour, soit 1,50 €.
 
Au début, nous ressentions quelque gêne de voir ces femmes marcher des kilomètres en plein soleil pour une somme qui nous paraissait dérisoire à nous Européens, mais c’était le salaire journalier normal pour un travailleur.
 
Pour faire taire nos scrupules nous avions acheté des “sucreries” – c’est ainsi qu’ils appellent les sodas dont ils sont friands – et elles pouvaient en prendre autant qu’elles voulaient. Quand le chantier fut terminé, nous avons acheté des moutons que les villageois ont préparés et nous avons offert une belle fête au village !
 

Cette aventure n’est pas très passadocienne, mais c’est celle d’un Provençal au Mali qui s’est posé les mêmes questions qu’André.

Jacqueline Marvier se souvient :

– Quand ma mère faisait des ménages, une heure de travail lui permettait d’acheter un litre d’huile.

À propos d’huile d’olive… Trouvé chez Abbe.Photo :

Qui prépare ses olives “maison” ? Quelques mois plus tard, voilà le résultat ! Un délice.

Patricia Jouve :
– Moi ! Rinçage, égouttage, séchage, assaisonnement ail thym et huile d’olives de Nyons.

Marie-Dominique Germain :
– Oui, toutes les années ! Je les mets dans le gros sel…

Jean-Pierre Violino :
– Moi aussi ! Chaque année je fais mes propres olives au sel !

Lune vieille… lune jeune…
Les grands-mères
Le Pont de la Mariée
Les “masco” de l’ancienne Provence

Lune vieille... lune jeune...

Les vignes se taillent à la lune vieille (descendante). En choisissant cette période, les sarments qui portent le raisin sont moins cassants sous l’effet du mistral. Des cépages comme l’Ugni blanc sont très sensibles au vent. Mèfi !
 
D’aucuns n’y croient pas à ces histoires de lune, ils ont tort. Le sujet mériterait un long développement, car il y a des travaux qui doivent se faire de lune jeune (montante) et d’autres de lune vieille.

En gros, on plante dans le sol de lune montante, on taille au-dessus du sol de lune descendante… et on “va au coiffeur” (on coupe les cheveux) à la lune vieille : ils pousseront moins vite. Il n’est pas question de la pleine lune, c’est avant et après qui compte.

Récemment, j’ai entendu dire qu’à Paris certains salons de coiffure ouvraient toute la nuit à la pleine lune… mais je me demande si c’est dans le but que les cheveux poussent plus vite ou moins vite.
 
Texte et photo A. Abbe

Les grands-mères

Trois  portraits de femmes de Provence.

 “Elles ne sont que deux sur cette photo du journal Le Méridional d’octobre 1960 mais je vais vous parler de trois dames de Provence du temps jadis. Elles n’ont brillé dans aucun domaine sinon dans mes yeux d’enfant, du moins pour deux d’entre elles car il y en a une que je n’ai pas connue, ma grand-mère paternelle, la pauvre est morte bien jeune en 1934 ; hélas je n’ai aucune photo d’elle.” 

Le Pont de la Mariée

Voici le Pont de la Mariée dans le Haut Pays niçois pour évoquer un divorce en 1388 et un mariage en 1860…

Il existe à Nice une plaque commémorant la dédition de Nice à la Savoie en 1388, acte à l’origine du particularisme niçois et de la fierté niçoise.

Auparavant Nice n’était pas française mais provençale et notre capitale était Aix. On y parlait provençal et les Niçois ont continué à parler leur langue jusqu’en 1860, date de l’annexion à la France de Nice et de la Savoie. Un mariage à l’italienne, le roi de Sardaigne s’était gardé Tende, la Brigue et quelques dizaines de milliers d’hectares pour pouvoir y chasser.

N’allez pas dire aux Niçois qu’ils parlent un dialecte de provençal maritime à peine teinté d’éléments piémontais et italiens. Vous vous feriez mal voir. C’est un sujet sensible de la fierté niçoise.
Andre Abbe
Claude Boyer
En général les noms de lieux proviennent d’événements fort anciens mais là ce n’est pas le cas.
Le 30 juillet 1927, Bernard Baillet et Marie-Louise Pion, jeunes mariés en voyage de noces dans la région, s’arrêtent sur ce pont pour admirer le paysage grandiose des roches rouges des gorges de Daluis.
 
La mariée se penche pour voir la rivière et elle passe par-dessus le parapet. Le jeune marié donne l’alerte et on retrouve le corps de son infortunée épouse le lendemain matin. L’enquête conclut à un accident mais on murmure dans les chaumières que…
 
N’en disons pas plus, un jugement a été rendu et on ne commente pas une décision de justice…
 
C’est ainsi que le pont devient le “Pont de la Mariée” ou le “Pont du saut de la mariée”.
 
Brigitte Gim
– Une jeune mariée est tombée du pont le soir de ses noces ; aucun rapport avec notre histoire territoriale !
 
Jeanne Monin
C’est la “petite” histoire locale, proche de la légende… “On raconte que…”

Les "masco" de l'ancienne Provence

Une croyance ancestrale
Aujourd’hui plus personne n’y croit, enfin… je pense. On n’utilise plus cette expression que pour désigner quelqu’un qui “fait la brègue” (la moue), c’est-à-dire qui vous regarde avec de petits yeux méchants.

Pourtant nos anciens y croyaient dur comme fer et leur seule évocation suffisait à inquiéter les plus téméraires. La croyance en leur existence était tenace, même jusqu’au XXe siècle.

Claude Boyer raconte…

Photo A. Abbe
Jeanne Monin

Belle histoire !

Pour un peu, on frissonnerait comme quand – enfants – on lisait des contes emplis de fées maléfiques, d’enchanteurs cruels et de gnomes grimaçants.

“La croyance en leur existence était tenace, même jusqu’au XXe siècle”. Alors on est sauvés puisqu’on est au XXIe ! Loin de nous les sortilèges, les envoûtements !

Les “masco”… peut-on les appeler “jeteurs de sort” ?
Comme ceux de Dumas [Le Capitaine Aréna]
Sorcière ? reprit-il : docteur, en êtes-vous bien sûr ?
– Sûr comme de mon existence ; c’est une fille sans père ni mère d’abord. Puis, voyez-vous, elle a été élevée par un vieux berger, un jeteur de sorts, un empoisonneur enfin.

ou de George Sand [Daniella] :
– Un autre berger, son voisin de paillis, est gettatore, jeteur de sorts, et lui fait mourir ses moutons.

Les bergers de Provence – ceux qui contemplent les étoiles avec Daudet – seraient-ils plus « masco » que les autres ?

Envoyez vos documents
en toute sécurité :

romenzo2010@gmail.com

Selon le sujet, ils seront publiés sur le site Passadoc…
ou sur Abbe.Photo…
et peut-être dans

“La Gazette de Passadoc”
l’hebdo qui vaut mieux que les médocs !

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  • Rédaction – Passadoc – Ont participé :
    André Abbe
    Claude Boyer
    Marie-Dominique Germain
    Brigitte Gim
    Patricia Jouve
    Jacqueline Marnier
    Jeanne Monin
    Jean-Pierre Violino


  • Mise en page
    Jeanne Monin

Passadoc