La Gazette de Passadoc – N° 175

L'hebdo 175

Cadeau !

Cadeau : les confidences d’André Peyron, son amour pour la Provence et pour la langue provençale. Un reportage d’André Abbe.

 – J’aime à dire que je suis bilingue de naissance ! J’ai été élevé par mes grands-parents qui, entre eux, ne parlaient que provençal… j’ai donc appris en même temps le provençal et le français !

1983 – Invité chez Michel Drucker, il chante
La Grande Ourse.

  • Les échos de la semaine
    Quiz !
    Les oursins
    Le hameau de Roya
    La baie de Saint-Tropez
    Le lit de 101 ans !
    Toute petite histoire provençale
    Les oignons !

Quiz !

Les oursins

Les oursins ! Un régal pour les petits et les grands… On les ouvre en deux et on mange  les gonades appelées communément “corail” à cause de leur couleur orangée (le plus souvent) ; les cuisiniers disent “langues d’oursin”..
Un repas d’oursins, c’est une oursinade.

La pêche est une belle activité familiale en Provence. Avant, on ramenait des paniers entiers d’oursins sans grand effort ; mais les oursins sont plus rares aujourd’hui.

Très réglementée, leur pêche est autorisée du 15 décembre au 29 février (dates variables selon les régions). La taille minimale de capture est de 5 cm… sans les piquants !

Photo André Abbe

Claude Boyer

Il y a des lustres que je n’ai pas mangé d’oursin !

On allait les pêcher à Saint-Aygulf avec mon grand-père dans sa Juvaquatre. 

On les mettait dans un cageot en bois sur les flancs duquel il avait fixé deux gros morceaux de liège pour faire office de flotteurs, une caisse vitrée pour voir le fond comme avec un masque et un manche à balai dont l’extrémité était équipée d’un trident permettant de saisir les oursins. 

Pas besoin d’aller au large, il suffisait de se mettre à l’eau. À l’époque ils pullulaient et, selon les coins où on se baignait, il valait mieux être équipé de sandales en plastique.

 

Il n’était pas rare qu’il profitât de l’oursinade pour faire la soupe et récolter bious, rastègues, arapèdes, favouilles ou petits poissons de roche et parfois même un poulpe aventureux.

Je n’aimais pas quand le céphalopode lui emprisonnait le bras de ses tentacules qui collaient à sa peau et qu’il était obligé de tirer dessus pour qu’elles le lâchent. Lui il rigolait de me voir faire la grimace. 

Il était de cette génération qui n’avait peur de rien ni de personne ; il faut dire qu’il avait survécu à trois ans d’enfer dans les tranchées alors pour l’impressionner il fallait plus qu’un poulpe. 

Il y a longtemps que je ne me suis plus baigné dans ces rochers mais j’imagine que les lieux doivent être devenus totalement stériles.

Le hameau de Roya

Photo André Abbe

Un lieu magique, au nord de Nice !

La dernière fois qu’on y est allés, il y avait du monde. Ça vaut vraiment le détour ; ne manquez pas ça ! recommande François Abbe.

Photo envoyée par Roya 06

La baie de Saint-Tropez

Pendant des siècles, Saint-Tropez fut un calme petit village de pêcheurs… quoique… durant l’époque antique, “cette petite baie méditerranéenne attira un grand nombre de conquérants romains, celtes et grecs”.

Son charme, sa lumière sont certains et dans les années 20, bien des artistes – peintres et écrivains – y succombent : Matisse, Bonnard, Sartre, Simone de Beauvoir, Colette… Dans la rue de la Miséricorde, la famille Bardot y a une maison dans laquelle les filles de la famille passent une grande partie de l’été.

En 1950, Brigitte, qui n’est pas encore BB, rencontre Vadim… le cinéma envahit la ville avec ses stars et ses gendarmes ! Adieu le calme… aujourd’hui, Saint-Tropez est mondialement connu.

Jean-Philippe Tinois
Arriver par la mer en basse saison et se faire servir un petit café sur le port ça passe et c’est une belle perspective.

Côté esthétique, deux heures de bouchon en plein cagnard pour se garer sur les parkings goudronnés et chercher dans les rues bordées de magasins une tête connue… c’est du délire de touriste qui n’aura que le mérite de dire à sa collègue de bureau en rentrant bronzée comme un carambar :
Je suis allé à Saint Tropezzzz.

Jeanne Monin
J’y suis passée un été, il y a fort longtemps… Aucune envie d’y séjourner, aucune envie d’y revenir – sinon pour découvrir le calme de l’arrière pays.
Trop de monde, trop de yachts qui semblent ne jamais quitter le quai…

 
Marie-Dominique Germain
Saint-Tropez était un grand port de commerce siège d’une amirauté et de construction navale qui faisait le grand cabotage vers les pays du Levant dont elle avait l’exclusivité.
Un village de marins au long cours.
Giselle Penat-Laborde

Des souvenirs pêle-mêle …

J’avais parfois l’occasion, il y a quelques années, le plus souvent hors saison, d’accompagner mon mari, dont le travail l’obligeait deux fois par semaine à aller sur le Golfe, dont Saint-Trop bien entendu.
 
Nous mangions alors souvent à Ramatuelle, ou le Plan de la Tour, ou encore à Grimaud, Port-Grimaud, Cogolin …
 
L’été, il se débrouillait pour y être avant 7 heures quand les noctambules rentraient avec des gueules enfarinées !…
 
Je préférais de loin sa tournée dans tout le Haut-Var ou dans les Alpes-de-Haute-Provence (Castellane, Moustiers-Sainte-Marie)… et dans le Alpes Maritimes, le petit village de Caille par exemple !
 
 
À une époque fort lointaine, il m’est arrivé  de devoir accompagner des touristes allemands, de jouer les guides aussi pour des amis étrangers qui rêvaient de Saint-Tropez, de BB ou autre célébrité, moi pas…
 
Quelle corvée… et devoir m’installer à la terrasse du café bien connu, le summum.
 
Quoi de plus merveilleux, en effet, que d’étouffer sur cette terrasse que le store rouge écarlate transforme en véritable étuve quand le soleil tape ?
 
 
 
 
 
Ah ! Saint-Trop avec ses milliardaires russes en goguette, ses “peoples” à paillettes, ses yachts opulents qui gâchent la vue, ses bimbos en microshort insolents, ses soirées au luxe indécent, ses Ferrari et ses 4×4 aux vitres teintées qui rendent l’atmosphère irrespirable …
 
Quant au prix des consommations, slurp !! mieux vaut être invitée !
 
Mon plus beau souvenir cependant : le sourire de mon amie tchèque Ivana, découvrant Saint-Tropez, à l’automne 1969 et disant en riant : 
– Wouah ! je vais pouvoir maintenant jouer les Marie-Chantal à Prague en parlant de Saint-Tropez et peut-être en montrant toutes les photos, mais dans un cercle d’amis intimes…
Ce qui était oui préférable …
 
Nous avions lu ensemble un livre dont j’ai oublié le titre, mais c’était une histoire de Marie-Chantal, peut-être le bouquin de Chazot à l’époque, Les Carnets de Marie-Chantal… Sais plus !
 

C’était sa dernière sortie à l’Ouest après le Printemps de Prague et elle venait de passer presque un an en France. Elle devait y revenir quelques années plus tard à plusieurs reprises, donc bien entendu après la révolution de velours et la dernière fois en 2002 ou 2003… Te pic mulku, Ivana, je n’ai rien oublié, surtout ton rire cristallin, ta joie de vivre … repose en paix dans ton paradis blanc …

Le lit de 101 ans !

Photos A. Abbe
– Un mélange parfait de confort moderne et d’héritage familial, raconte François Abbe.
 
Un lit de 101 ans qui revient à la maison ! Après avoir traversé des générations et même des inondations, ce lit, qui appartient à l’histoire de notre famille, retrouve le chemin du village de Roquebrune-sur-Argens.
 
Un spécialiste de la literie (et pas n’importe lequel puisqu’il est appelé par de grands hôtels à Cannes !) est intervenu pour rénover quelques mortaises.

Claude Boyer
Ils étaient de ces meubles qu’on pouvait monter et démonter au fil des générations sans qu’ils n’en souffrissent, n’en déplaise à certaine marque suédoise au mobilier de bois reconstitué…

Histoires de Montlaur
Quelle merveille ! Et quelle belle histoire que celle de ce lit qui continue d’être chéri après 101 ans.

Giselle Penat-Laborde
Tout à fait le lit de mes grands-parents paternels, que nous avions, après quelques réparations, encore à Roquebrune… Impossible à déménager sur Draguignan, il a dû faire le bonheur d’unbrocanteur.

Martine Chazalon
Je viens d’en hérité de un d’une arrière arrière grand-mère… Il a plus de 100 ans… Un lit bateau.
André Abbe et Jean-Pierre Violino

Jean-Pierre Violino

– Merci François ! Quel plaisir de le retrouver dans son village !

 

Dans le coffre de la voiture, retour de quelques pièces rénovées.

Toute petite histoire provençale...

François Abbe
On aime les grandes histoires de Provence ; on aime aussi les petits récits… On aime la lavande, Saint-Tropez, Cannes…
Et puis les gens de Provence ! Pas forcément des gens célèbres, mais les gens indispensables pour la vie de tous les jours.
Les bergers…  Mon père André Abbe en rencontra souvent, tels Gilles Bremond et J-Y Trigance, des bergères aussi : Martine Baron.
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Levés tôt le matin et souvent couchés tard le soir, c’est le quotidien des hommes et des femmes de la terre. Sans dimanche, sans vacances ou à peine, et un salaire de misère… Qui accepte cela ?
 
Le problème c’est que c’est un métier passion, qui se transmet de génération en génération, ce n’est que pour ça qu’on continue ! répond une agricultrice.
 
Photo André Abbe - J-Y Trigance, un berger de Collonges, et Martine Baron

Jean-Philippe Tinois
Peut-être que se lever tôt et se coucher tard, c’est tout simplement naturel quand on aime l’activité que l’on pratique.

C’est d’ailleurs le rythme des animaux qui pensent en premier à leur subsistance et ont leur cerveau réglé par la lumière solaire. 

Les hommes qui gèrent des troupeaux ne peuvent que se mettre au diapason et pendant la transhumance la sieste est obligatoire, non pas parce que l’homme le décide mais parce que le troupeau s’arrête, se met sous les arbres en rond à l’abri du soleil à son zénith, et rumine tranquillement…

À ce propos ne pas oublier un voile intégral léger et très respirant pour mettre au moins sur le visage sous peine d’être le seul à ne pas dormir, car qui dit moutons, dit nuage de mouches  ! Et quand on s’est autoadministré une dizaine de claques, on est moins reposé que les autres pour repartir !

Jeanne Monin
Pour avoir rencontré pendant plusieurs étés un couple de paysans sur mon habituel lieu de vacances, je me suis souvent dit qu’ils faisaient un métier de chien !…
Il suffisait de voir leurs visages ridés avant l’âge par le soleil de l’été et les rigueurs de l’hiver, leurs mains souvent calleuses, toujours charnues.
Se levaient-ils tôt ? Sans doute… Se couchaient-ils tard ? Je l’ignore… Ce que je sais, c’est qu’ils ne faisaient pas la sieste ; peut-être parce qu’ils n’avaient pas de moutons !

Les oignons !

Photo A. Abbe
André Abbe
Les légumes sont chers, y compris les modestes oignons. Quelle pitié !
 
La ceba (cebo) était le végétal de base, pas coûteux, de l’alimentation des Provençaux. Cru ou cuit, en salade, avec de la viande ou du poisson.
 
J’ai longtemps pensé qu’il était question d’oignon quand enfant je criais “Ceba !” après avoir perdu un amical combat. Mais non, ce ceba-là viendrait de l’arabe : pitié.
 
Quand je mange de l’oignon, ce qui n’est pas très fréquent, il m’arrive de penser à mes voyages de jeunesse en Iran, dans les années 60. Devant les restaurants, il y en avait des monticules. Sur les tables, des oignons crus épluchés attendaient les clients. Ils accompagnaient les délicieux tchélo kebab et tchélo rorecht.
 
J’ignore si cette tradition s’est maintenue dans ce malheureux Iran de 2023.
Claude Boyer
– Non mais vous avez vu le prix des oignons cette année ?
– Oh ça va encore, ils ne sont pas aussi cher que ça.
– Ah vous trouvez ?
 
Il n’en fallait pas plus pour qu’éclate le plus violent pugilat qu’on ait vu de mémoire de Briviste !
 
Un Sétois qui passait par là  raconta cette algarade dont les pandores du coin firent les frais :
 
Au marché de Brive-la-Gaillarde,
À propos de bottes d’oignons,
Quelques douzaines de gaillardes
Se crêpaient un jour le chignon.
 

Les oignons inspirèrent Georges Brassens et Sidney Bechet.

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