La Gazette de Passadoc – N° 170

L'hebdo 170

Bon comme le pain !

Il semble que depuis la nuit des temps, le pain soit l’aliment de base de bien des civilisations. Et s’il vient à manquer, le peuple affamé se révolte !

Ainsi en 1789.

Mais que sont ces cris ? Que veulent ces gens ? interroge Louis XVI.
Sire, ils réclament du pain.
– Eh bien, qu’on leur donne de la brioche !
se serait exclamée Marie-Antoinette présente près de son époux.

Légende… les historiens ont cherché, aucune archive n’en fait mention.

Historiquement, on attribue aux Égyptiens, “l’invention” du pain  : […] dès le IIIesiècle av. J.-C. on savait déjà fabriquer des pains avec ou sans levain car on avait déjà remarqué que la pâte pouvait fermenter naturellement, l’eau du Nil, utilisée par les premiers boulangers, très riche en limons, regorgeait de ferment saccharomyces, champignons qui constituent la levure actuelle*.

Il existerait près de 80 types de pain différents selon les régions, tels le pain brié en Normandie, le pain plié en Bretagne, la baguette qu’on dit parisienne, le pain tordu (tressé) dans le Midi. Et de multiples expressions** dont certaines sont peu connues :

Il n’y a ni pain ni pâte au logis (il faut faire les courses).
Il a plus de la moitié de son pain cuit (il va bientôt mourir).
Il a mangé le pain du roi (il est allé en prison).
Bon comme du bon pain (ne pas faire preuve de malveillance).
Mieux vaut pain en poche que plume au chapeau (il vaut mieux avoir de quoi manger plutôt que de s’offrir un luxe superflu).
C’est du pain béni (c’est bien mérité).
Gagner son pain (subvenir à ses besoins).
C’est son gagne-pain (ça lui permet de vivre).
Gagner son pain à la sueur de son front (assurer sa subsistance en travaillant beaucoup)
– Faire passer le goût du pain (tuer quelqu’un).
Ça ne mange pas de pain (dire ou faire une chose sans importance, qui n’est pas vitale).
– Pour une bouchée de pain (pour presque rien).
– Commencer par manger son pain blanc (commencer par les actions les plus faciles).
Retirer le pain de la bouche (priver quelqu’un de ce qui lui est nécessaire).
Partir comme des petits pains (vente rapide et facile).
Long comme un jour sans pain (situation pénible interminable, ou quelqu’un de très grand).
Ne pas manger de ce pain-là (refuser de faire quelque chose qu’on propose et qui déplait).
Avoir du pain sur la planche (initialement : ne pas avoir besoin de travailler ;  depuis 1914-18, l’expression a pris le sens de “avoir beaucoup de travail).
 

Jeanne Monin

  * Abbaye Saint-Hilaire (Vaucluse).
** Recherches effectuées par Claude Boyer.


Elle est à toi, cette chanson
Toi, l’hôtesse qui sans façonM’as donné quatre bouts de painQuand dans ma vie il faisait faimToi qui m’ouvris ta huche quandLes croquantes et les croquantsTous les gens bien intentionnésS’amusaient à me voir jeûner
Ce n’était rien qu’un peu de painMais il m’avait chauffé le corpsEt dans mon âme il brûle encoreÀ la manière d’un grand festin
  • Les échos de la semaine
    Un p’tit quiz !
    Souvenirs d’enfance
    Bienvenue au village
    Les fèves

Un p'tit quiz !

Souvenirs d'enfance

Claude Boyer
C’est à moi qu’était dévolue la tâche d’aller “donner aux bêtes”.
 
Si j’étais fier de cette mission de confiance, je ne la menais pas moins avec quelque angoisse de croiser le gros rat qui avait élu domicile sur les poutres soutenant la toiture d’où il me regardait de ses petits yeux noirs. Mon imagination enfantine l’imaginait me sautant dessus et me plantant ses impressionnantes incisives dans le bras.
 
Le grain des poules était contenu dans un fut de tôle qui avait dû transporter de l’essence US ou germanique quelque 25 ans auparavant. Ce tonneau était fermé par un lourd couvercle de bois pour éviter que le rat ne vienne y prélever son écot mais il n’empêchait pas les petites souris de s’y glisser.
 
Pour saisir le grain on utilisait une vieille casserole dont le manche était prolongé par le bois d’un balai ligaturé avec du fil de fer. Ma petite taille d’alors m’obligeait à appuyer le ventre sur le bord et de plonger la tête la première pour saisir la pitance des poules et je dérangeais ainsi les souris qui courraient dans tous les sens, mais elles ne m’impressionnaient pas et je m’amusais même à les attraper dans ma casserole.
 
Venait ensuite le tour des lapins qui me faisaient de la peine car, si les poules passaient le plus clair de leur temps à l’air libre, eux étaient cloîtrés dans leur clapier au fond du poulailler et ne voyaient la lumière du jour que pour se faire saigner et dépecer par Mémé.
 
Il me fallait aussi récolter les œufs et c’était là ma tâche préférée, riant par avance des “côt-côt-côt” indignés des pondeuses que je chassais pour récolter leur ponte. 
 
Il m’a fallu du temps pour comprendre pourquoi on avait introduit un coq dans la basse-cour, et pourquoi à partir de ce jour-là j’eus pour consigne de ne plus ramasser les œufs… qui se transformèrent en mignonnes petites boules jaunes et duveteuses qui piaillaient en suivant leur mère tandis que le coq, finissait avec du vin dans la cocotte mais celle-ci en fonte.
 
Alors que je m’étonnais de l’immolation du coq on m’expliqua qu’on n’avait plus besoin de lui, le cheptel à plumes était renouvelé.
 
Il eut été tellement plus simple de m’expliquer les choses de la vie, mais à l’époque “on ne parlait pas de ça” même quand ça concernait la reproduction des gallinacées.

Bienvenue au village

André Abbe
En passant à Roquefort-les-Pins (Alpes Maritimes), où j’avais autrefois de bons amis, j’ai eu le plaisir de constater que le nom provençal était présent sur les pancartes d’entrée et de sortie.

J’ai apprécié que “lei Pins” en soit absent car cet ajout est récent.
Autrefois, il y avait des pins dans toutes les communes entre Grasse et la mer !
Des ajouts peuvent être utiles. On a ajouté “sur Argens” à mon Roquebrune car il existe Roquebrune Cap Martin, près de Menton.
 
La rallonge “en Provence” me paraît superflue, de nombreuses communes l’ont adoptée, pour plaire aux touristes. Entre Arles et Saint-Laurent-du-Var, on est en Provence, une bonne fois pour toutes.
À moins que, maintenant que notre région s’appelle “Sud”, il s’avère nécessaire de préciser que la Provence existe encore.

Jeanne Monin
Depuis bien des années, partout en France, les noms des villes s’affichent également dans la langue régionale… à condition qu’il y en ait une bien sûr !

Si aujourd’hui, c’est partout admis, il n’en fut pas toujours de même. 
 
Dans les années 70, Pierre Gabert, le maire de Pernes-les-Fontaines (Vaucluse), est vent-debout contre une loi de 1967 qui fait “obligation de réserver au français et à la simple indication du nom de la commune les panneaux d’entrée”.
 
Alors il y a de l’anglais partout sans réactions des pouvoirs publics, mais nous devrions dénigrer notre langue provençale et la jeter au fossé, s’insurge-t-il… non sans raison.
 
Il n’est pas seul ! Partout, on manifeste, on défile en brandissant haut des drapeaux aux couleurs de la région.
 
Le temps passant, la révolte – qui n’était pas qu’occitane – s’est apaisée. La loi est-elle abrogée ? Je ne sais.
 
Si un jour, perdus dans les brumes là-bas où finit la terre, noyés sous d’incessantes averses*, vous entrapercevez un panneau qui annonce “Degemer mat“, ne soyez pas effrayés pour ces mots étranges : c’est tout simplement la Bretagne qui vous souhaite la bienvenue !

*la légende affirme qu’il pleut toujours dans cette région !
Claude Boyer
On a aussi rajouté “sur Argens” à mon Puget pour le différencier de Puget-sur-Durance, Puget Théniers, Puget Rostang et Puget Ville…
 
À noter que Puget vient de “puy” (promontoire) par exemple Le Puy de Dôme, Le Puy en Velay…
 
Il n’y a guère que Puget Ville qui n’est pas à proprement parler situé sur un promontoire. 
 
Puget, Poget, Pouget, Pougeot, Peugeot sont aussi des noms de famille et ont la même étymologie venant du puy.
 
J’aurais bien aimé que mon Puget à moi s’appelle Puget-en-Provence.
 
 

Jerèm Sauvan

Lou Tresor dou Felibrige (Frédéric Mistral) :
 
La Provence, pays de France borné à l’orient par les Alpes, au midi par la Méditerranée, à l’occident par le Rhône et au nord, par une ligne qui peut aller d’Embrun à Saint-Paul-Trois-Châteaux.
Nice et Monaco en font partie et Aix en est la capitale
 

Les fèves

André Abbe
En Provence, les fèves arrivent dans nos assiettes en même temps que la belle saison. On les aime à toutes les sauces, au seul sel, en soupe.

Un homme chanceux, favorisé par la nature est qualifié de “favat”.
La fève se trouve dans nos galettes des Rois. C’est un végétal à part.
Je n’ai jamais compris pourquoi on disait en francitan (français local) “Va te faire une soupe de fèves” à quelqu’un qu’on voulait envoyer se faire voir ailleurs !

Parmi vous, quelqu’un le saura peut- être.

(Photo André Abbe).

Pourquoi dit-on “Va te faire une soupe de fèves” ?

Jean-Philippe Tinois
Peut-être tout simplement que ça donne une raison comme une autre pour que la personne te laisse tranquille… et comme ça met du temps à écosser, celui qui a dit ça la première fois avait cette idée en tête et puis ça s’est redit  !

 

Claude Boyer
Peut-être que c’est parce que la fève n’est pas considérée comme un légume “noble” et qu’elle est citée dans cette expression qui se veut méprisante… simple supposition de ma part.
J’ai aussi entendu “avaler la fève avec la gâteau” qui là signifierait “ne pas faire face à ses responsabilités”, autrement dit avaler la fève pour ne pas avoir à payer un autre gâteau comme le veut la tradition…

Angelo Del Tabor
Écosser des fèves noircit les doigts et les ongles ! En manger fait dormir de bonnes nuits de sommeil profond…
La salade de feuilles de fèves (des pointes terminales des tiges, cueillies après la fin de la floraison et la formation des gousses inférieures) est un plat que j’aime et bon somnifère !

 

Giselle Penat-Laborde
Je me régale depuis que la saison a commencé et ne manque pas d’en acheter à nos bons producteurs sur le marché de Draguignan.
Je les mange souvent à la croque au sel ou au beurre, en salade, je les cuisine aussi comme les petits pois, et aussi en soupe surtout en fin de saison. Beaucoup de recettes pour accommoder les fèves, fraîches et croquantes. Sous forme également de purée, de velouté et de crème de fèves

Souvenirs de mon enfance, mon père en plantait tous les ans, comme les petits pois d’ailleurs.
 
Enfant, j’aidais maman à préparer la soupe aux fèves, et je devais enlever la peau très soigneusement, les couper en 2… J’avoue que cela avait, le temps passant, commencé à prendre des tournures de corvée, un vrai travail de Sisyphe – Sisyphusarbeit – comme on dit si bien de l’autre côté du Rhin ! doigts tout noirs et poisseux … mais bon, je m’exécutais bravement et surveillais le remplissage du saladier en soupirant et en regardant d’un air désespéré le tas qu’il en restait et qui ne semblait pas diminuer …
 
Je me souviens qu’on en faisait sécher et que maman avait aussi quelques bonnes recettes pour les cuisiner (soupes, purées, ragouts avec des pommes de terre et des lardons, etc.) On les mettait à tremper au préalable au moins 12 heures.
 
Je pense aussi que mon grand-père paternel avait ramené quelques bonnes recettes de fèves, bien épicées et parfumées, du Maroc, où il s’était engagé durant la Guerre de 14-18. Il ne manquait d’ailleurs jamais de s’approvisionner en épices à Marseille…
 
J’avais retrouvé ces saveurs en mangeant justement chez une amie marocaine des fèves à la “chermoula” (sauf erreur ou confusion de ma part) durant mes études à Nice, ce qui ne date encore pas d’hier …
De vraies madeleines de Proust, faites de parfums, d’odeurs, de saveurs et de mille souvenirs colorés …
 
  • Sont cités dans La Gazette :
    André Abbe
    Claude Boyer
    Angelo Del Tabor
    Jeanne Monin
    Giselle Penat-Laborde
    Jerèm Sauvan
    Jean-Philippe Tinois


  • Rédactrice en chef
    Jeanne Monin

Passadoc