La Gazette de Passadoc – N° 158

L'hebdo 158

L’étoile du berger…

Daudet raconte…

[À l’alpage, le berger attend les vivres de la quinzaine qu’habituellement lui apporte Norade, sa veille tante.
Et ce dimanche-là, qui arrive ? … notre demoiselle, mes enfants ! notre demoiselle en personne, assise droite entre les sacs d’osier, toute rose de l’air des montagnes et du rafraîchissement de l’orage.
Mais la pluie a grossi la Sorgue. La jeune demoiselle ne connaît pas le chemin de traverse ; le soir tombe ; elle reste près du berger.]
J. M.

 

Elle regardait toujours en haut, la tête appuyée dans la main, entourée de la peau de mouton comme un petit pâtre céleste…

– Qu’il y en a ! Que c’est beau ! Jamais je n’en avais tant vu… Est-ce que tu sais leurs noms, berger ?

– Mais oui, maîtresse… Tenez ! juste au-dessus de nous, voilà le Chemin de Saint-Jacques (la voie lactée). Il va de France droit sur l’Espagne. C’est saint Jacques de Galice qui l’a tracé pour montrer sa route au brave Charlemagne lorsqu’il faisait la guerre aux Sarrasins. Plus loin, vous avez le Char des âmes (la grande Ourse) avec ses quatre essieux resplendissants…
[…]
– Mais la plus belle de toutes les étoiles, maîtresse, c’est la nôtre, c’est l’Étoile du berger, qui nous éclaire à l’aube quand nous sortons le troupeau, et aussi le soir quand nous le rentrons. Nous la nommons encore Maguelonne, la belle Maguelonne qui court après Pierre de Provence (Saturne) et se marie avec lui tous les sept ans.

– Comment ! berger, il y a donc des mariages d’étoiles ?

– Mais oui, maîtresse.

Et comme j’essayais de lui expliquer ce que c’était que ces mariages, je sentis quelque chose de frais et de fin peser légèrement sur mon épaule. C’était sa tête alourdie de sommeil qui s’appuyait contre moi avec un joli froissement de rubans, de dentelles et de cheveux ondés.

 

*  Les étoiles – Lettres de mon moulin – Première publication 1869.

  • Les échos de la semaine
    L’emberluqué
    Casau des Cavalières
    Le parfum des roses
    2 février !

  • Passadoc

L'emberluqué

Moins les locuteurs naturels du provençal – ceux qui parlent la langue en famille, sont nombreux – plus la langue est présente sur les façades.
 
André Abbe  :
J’ai trouvé un magnifique exemple au Lavandou, petite ville de la côte varoise. En moins d’une heure dans le centre, des noms sont apparus :
 
Lou Lavadou (le lavoir) à l’origine du nom de la ville. Mon vieux “Guide bleu” raconte que le nom viendrait de la lavande qui pousserait en quantité à cet endroit. L’auteur n’a pas dû mettre les pieds au pays car la lavande ne pousse pas au niveau de la mer.
 
L’emberluqué m’a épaté ! Je n’ai plus entendu ce mot depuis mon enfance, je ne l’ai vu écrit nulle part avant de passer devant ce restaurant.
On l’employait, en provençal (emberlucat) et en français régional, à propos d’un garçon ébloui par le charme d’une jeune fille.
 
Chapeau à la personne qui est allée le destrauqué (sorti du trou littéralement) !
J’en ai trouvé d’autres en allant vers le port.
 
 
Claude Boyer
Il n’y a pas longtemps, j’ai appris qu’un tubaneù était un lieu où on se réunissait pour fumer et que le nom la fameuse rue Thubaneau à Marseille vient de là.
 
La rue Thubaneau se trouve dans le 1er arrondissement à droite après les célèbres escaliers de la gare Saint-Charles. Elle va du boulevard Dugommier au cours Belsunce.
Dans cette rue se trouvait une salle où l’on se réunissait pour fumer.
 
Pendant des décennies, elle a été  un haut lieu de la prostitution à Marseille. En parler marseillais, faire la rue Thubaneau signifie faire le trottoir, et aller à Thubaneau, c’était  aller rencontrer les dames de petites vertus ou plus trivialement “aller aux p****”.

La rue acquiert sa réputation de rue artistique en 1693 ; lorsque l’Opéra de Marseille ne peut accueillir la Troupe Royale, celle-là s’installe rue Thubaneau.
 
Cette voie fait partie des rues marseillaises à ne pas avoir changé de nom à la Révolution française.
 

Casau des Cavalières

André Abbe
Des mots que je n’ai ni entendus, ni prononcés depuis des années me reviennent parfois un beau jour à l’esprit.

Ainsi “casau”…
 
Mon père me parlait souvent de notre “casau” des Cavalières où nous allions parfois. Un casau, c’est une ruine ou une maison en mauvais état, en provençal.
 
Voici qu’Arthur Cazaux, jeune joueur de tennis (2002) de Montpellier, réalise des exploits à l’Open d’Australie, en parvenant en 8e de finale…
 
Et me revoilà par la pensée avec mon père à notre casau des Cavalières en voyant jouer Cazaux à la télé. Drôle d’association de mots.
 
Père se dit “paire” en provençal. C’est le nom de Benoît Paire, joueur de tennis lui aussi, originaire d’Avignon. J’ignore si Paire et Cazaux se sont déjà affrontés sur les courts…

Le parfum des roses

André Abbe
Roses à parfum de Provence !
Fayence (Var) – réputée pour le vol à voile – est proche de Grasse (Alpes Maritimes).
 
Chez les Rebuffel, la réputation est acquise par les roses. En 1990, j’avais fait un reportage chez eux. Aujourd’hui encore, les parfumeurs raffolent des roses de la région ! À tel point que certains champs de roses à parfum doivent être protégés par des barbelés…
 
Les fleurs des roses centifolia sont récoltées manuellement… en mai… et sont distillées par les parfumeurs grassois.
 
Il y a quelques années, on a craint que les importations de roses et les parfums synthétiques mettent fin à cette culture chez nous. Mais les parfumeurs se sont aperçus que pour obtenir des parfums de la plus haute qualité, rien ne pouvait remplacer les roses locales.
Ne pas manquer la visite du musée de la Parfumerie à Grasse.
 
Photo : récolte des roses à Roquebrune.

Alain SantinelliNous sommes en pleine taille en ce moment sur Grasse.

Photo A. Santinelli

2 février !

C’est la chandeleur. À vos ustensiles !
Comme François, faites des crêpes !
Photo André Abbe - 1980
  • Sont cités dans La Gazette :
    André Abbe
    Claude Boyer
    Alain Santinelli
    … et Alphonse Daudet !


  • Rédactrice en chef
    Jeanne Monin

Passadoc