La Gazette de Passadoc – N° 149

L'hebdo 149

L’Arlésienne…

Photos André Abbe

Superbe costume qui d’une bergère fait une reine ! 

Dans les années 50, il est encore porté quotidiennement, plus ou moins simplement selon les travaux à accomplir : on ne se vêt pas de la même manière pour la bugade au bord de la rivière ou pour la promenade du dimanche. Aujourd’hui, il n’apparaît que dans les fêtes folkloriques.

À part la coiffe, il n’évolue guère au fil des siècles : sur les gravures du XVIIIe, même jupes froncées à la taille, même châles (alors taillés dans des tissus fleuris) rarement bordés de dentelle ; les femmes portent des bonnets  et non le ruban qui retient les cheveux sur le sommet de la tête et demande un long temps pour sa mise en place.

 L’ArlésienneC’est également une expression :
Ah ! bon ! Julien est marié ? On ne voit jamais sa femme…
– Elle, c’est l’arlésienne !
… c’est-à-dire la personne dont on parle mais qu’on ne voit jamais, comme dans la nouvelle d’Alphonse Daudet* :

Pour aller au village, en descendant de mon moulin, on passe devant un mas bâti près de la route au fond d’une grande cour plantée de micocouliers.
[…]
Il s’appelait Jan. C’était un admirable paysan de vingt ans, sage comme
une fille, solide et le visage ouvert. Comme il était très beau, les femmes le regardaient ; mais lui n’en avait qu’une en tête, une petite Arlésienne, toute en velours et en dentelles, qu’il avait rencontrée sur la Lice d’Arles, une fois.

Amoureux fou, Jan veut l’épouser ; le père  et la mère ne le souhaitent guère car on dit la jeune fille coquette “et ses parents [ne sont] pas du pays” ; mais ils cèdent pour le bonheur de leur fils :
– Je mourrai si on ne me la donne pas.

Las… Jan est anéanti quand il apprend que pendant deux ans, sa belle fut la maîtresse d’un autre.
Jan ne parla plus de l’Arlésienne. Il l’aimait toujours cependant, et même plus que jamais.
À l’aube d’un matin, le bruit d’un corps sur les dalles de la cour, et c’est tout… Jan s’est suicidé.

En 1872, Georges Bizet reprend le thème de la nouvelle de Daudet et compose une œuvre musicale qu’on a toujours plaisir à écouter.

Jeanne Monin

Recherches : sources diverses.
* A. Daudet – Lettres de mon moulin – 1869.

  • L’écho de la semaine
    Qui fait son vin maison ?

  • Passadoc
    25 novembre…
    Le défi : sauver 87 000 photos !

Qui fait son vin maison ?

André Abbe
Au moment de goûter le vin nouveau qui va accompagner une castagnade (des châtaignes grillées ou rôties, pas un pugilat*), je pense aux travaux de la cave qui suivaient les vendanges. 
 
Une minorité de viticulteurs, adhérents à une Coopérative, continuaient à faire leur vin pour la consommation familiale, de façon traditionnelle. Ils ressortaient chaque année le fouloir et le pressoir qui venaient de leur père. Ils n’oubliaient pas de préparer quelques litres de piquette, obtenue après avoir fait macérer de l’eau sur le marc sorti du destret (pressoir), pendant un certain temps dirait Fernand Raynaud. 
 
La piquette était pétillante comme son nom l’indique et titrait autour de 4 ou 5°. J’en garde le goût en bouche alors que je n’en ai plus bu depuis 60 ans.
 
*dans l’argot des mauvais garçons toulonnais et marseillais, une castagne, c’était un coup de poing et une castagnade, une bagarre générale. Les mots sont passés dans l’argot français aujourd’hui peu usité. Les mœurs ont changé, le vocabulaire aussi.
 
*Ici, même les mémés aiment la castagne Ô mon paîs, ô Toulouse, chantait Claude Nougaro.
 
Claude Boyer
Le vignoble familial n’étant pas très étendu, tout aux plus trois hectares ; en deux jours aidés de quelques amis nous faisions nos vendanges et produisions notre vin.
Enfin, quand je dis “nous” c’était mon grand-père…
 
Une fois le raisin cueilli, mon père et un porteur embauché pour l’occasion allaient directement vider le canesteù dans le fouloir. Ensuite on actionnait le volant faisant tourner deux rouleaux cannelés, écrasant le raisin qui tombait dans la cuve.
 
Une fois toute la récolte passée, on récupérait les grappes foulées et on les mettait dans le pressoir dont on actionnait le mécanisme qui écrasait le tout pour en faire sortir jusqu’à la dernière goutte du moût. 
 
J’entends encore le “clic-clic-clic-clic” suivi du “clac” qui signalait qu’on était en bout de course. Il fallait alors sortir la lourde barre de fer de son logement en haut du mécanisme et la placer dans un autre emplacement afin de recommencer l’opération…. “clic-clic-clic-clic-clac”.
 
Ensuite venait le temps du pompage. On vidait la cuve du foulage et le jus de raisin obtenu au pressoir avec une grosse pompe à bras qui le transférait dans des futs afin que se fasse la vinification.
Jean Ferrat chantait dans sa superbe chanson La Montagne :
C’était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
À ne plus que savoir en faire
S’il ne vous tournait pas la tête.
 
 
C’était le cas de notre piquette à nous qui les années fastes arrivait à faire 9 ou 10 °.
Sauf une fois où nous avons battu notre record. C’était mon rôle chaque année, je partais pour la coopé à vélo avec une grappe pour la faire peser, et on m’annonce :
10.8
 
Pédalant comme un fou je rentrai à la maison pour annoncer à mon père :
– Papa ! il fait 18° !
 
J’entends encore l’éclat de rire de l’assistance qui avait bien sûr compris le degré réel de notre récolte.
 
Ma grand-mère et ma mère s’arrêtaient de cueillir vers onze heures pour aller préparer le traditionnel aïoli que nous dégustions sous le murier.
 
 
Maintenant je peux le dire, il y a prescription, mon grand père s’était fait au fil des années une fidèle clientèle qui venait lui acheter son vin. Je le revois mettre ses sous dans la boîte en fer qui avait à l’origine contenu des biscuits LU.
 
Puis un jour mon grand père qui connaissait l’art de la tonnellerie n’a plus pu s’occuper de l’entretien des tonneaux et nous avons dû porter notre récolte dans des caisses à la coopé.
 
C’était certes moins pénible mais de ce jour-là les vendanges n’ont plus eu le même charme et c’est là que j’appris qu’il existait du Cinsault, du Carignan ou du Plan direct et qu’on ne pouvait pas vider nos caisses dans n’importe quelle cuve.

Giselle Penat-Laborde
Mon grand-père paternel avait commencé par faire son vin, fin des années 30 quand il était venu s’installer à Roquebrune-sur-Argens en prenant la décision de se reconvertir en paysan et de se lancer aussi dans la culture du pêcher et autres arbres fruitiers, cultures inconnues à l’époque dans le coin et comme il venait de Pierrefeu, il fut vite dénommé “le fada estranger” qui n’y connaissait rien…

De ce fait, si je me souviens bien, il avait vu sa demande, pour adhérer à la coopérative viticole de Roquebrune, qui avait été créée en 1913, sauf erreur de ma part, rejeter … On ne voulait pas de lui !
 
Il avait certes pris soin d’envoyer papa étudier au lycée agricole d’Antibes… ce qui d’ailleurs n’avait pas trop enchanté mon père qui voulait être instit et/ou prof d’histoire, mais on ne lui avait pas demandé son avis… et ma grand-mère n’avait pas eu droit non plus au chapitre, comme de bien entendu.
 
Mon grand-père avait fait une première acquisition d’une dizaine d’hectares au quartier des Vergers en bordure de l’Argens et aussi, je pense, dans le quartier des Roques. Et il y avait planté des vignes en plus des arbres fruitiers.
J’ai connu tout le matériel adéquat : fouloir, pressoir, tonneaux qui sont partis il y a quelques années dans des brocantes.
 
J’avais commencé de les nettoyer pour une deuxième vie décorative… une customisation .
 
Aux dires de papa “une horrible piquette”, surtout compte tenu des connaissances en œnologie de mon grand-père. Elle devait faire aussi pas mal de centenaires, qui sait ? 
 
Nous avions conservé quelques bouteilles “reliques” que les Allemands, qui occupaient la maison durant la guerre, n’avaient pas prises … un essai leur avait peut-être suffi !
 
Je ne me souviens pas avoir vu la famille en déguster même lors de grands repas de fêtes dans les années 50. On devait esquiver la question et prendre le vin de la coopérative.
 
Papa avait rapidement d’ailleurs rejoint la coopérative viticole.
Après la Seconde Guerre mondiale, quelques années durant, mon grand-père avait continué  de faire son vin, pour son plaisir et maintenir la tradition … ses expériences de petit chimiste comme on disait dans la famille !
 
Comme pour Claude, les termes de Cinsault, Carignan, d’Ugni blanc, d’Aramon, de Syrah, de Cabernet-sauvignon, de Mourvèdre, de Tibouren et de Grenache un peu plus tard, au fil de l’évolution de l’encépagement et de la viticulture varoise, me sont encore familiers.
 
Nous faisions beaucoup de vin de noix, du vin marquis/vin d’orange, et X liqueurs, recettes familiales et souvent affaires de femmes d’ailleurs. Je me souviens d’avoir souvent aidé maman dans la préparation de ces breuvages fort appréciés d’ailleurs, du fait maison de qualité.
 
Beaucoup de souvenirs de toute cette époque, des vendanges et divers.
 
De belles Madeleines de Proust…

Jean-Jacques Murat
“le fouloir et le pressoir” ? faliá caucar lei rasins avans de leis espotir ?
(a La Sanha de Mar, dins un ostau de la carrièra se ditz “Cauquière”, se trobet una tina malonada monte se caucava lei rasins)
ps : encò de Tolosa un certan Glaudi cantava que la castanha agradava lei mametas …

[Fallait-il fouler (avec les pieds) les grappes avant de les presser ?
(à la Seyne-sur-Mer, dans une maison de la rue “Cauquière” se trouvait une cuve carrelée dans laquelle on foulait les grappes)
ps : à Toulouse, un certain Claude chantait que même les mémés aiment la castagne…]

25 novembre

Jour J ! C’est la sortie du leporello,  livre-photo Femmes de Provence.
 
Derrière les 12 photos prises dans le Var et les Alpes-Maritimes, il y a des récits, des histoires, des souvenirs qu’on peut lire sur le site :  ils sont en accès libre. Les textes du livre et toutes les infos sont ici.
 
François Abbe : Parmi les auteurs, nous mettons une femme à l’honneur aujourd’hui : Geneviève Bresc, l’ancienne directrice du département des sculptures du musée du Louvre. Aujourd’hui à la retraite, elle partage avec nous une histoire de vendanges familiales à Fayence (Var).

Le défi : sauver les 87 000 photos d'archives restantes

François Abbe interviewé par Nathalie Klimberg Faudeux au SATIS 2023
  • Sont cités dans La Gazette :
    André Abbe
    François Abbe
    Jeanne Monin
    Giselle Penat-Labord
    Jean-Jacques Murat

  • Rédactrice en chef
    Jeanne Monin

Passadoc