La Gazette de Passadoc – N° 146

L'hebdo 146

Cocotte !

Toute la semaine, André Abbe a raconté un peu de l’histoire de Cocotte !

Bien des lecteurs ont laissé des commentaires, tels :

Myrmyrs de Comps
Quel plaisir d’entendre le parler provençal ! Merci !

Maryse Laugier
C’était un moment où la vie était dure… je pense qu’il y a toujours des Cocotte avec peut-être une vie plus facile… Merci pour ces vidéos !

ValVal
Tellement de souvenirs avec Tonton Julien et mon grand-père !

Pèire Imbert
Cocoto restavo à Bartouio, l’ivèr, mai prenié sei quartié d’estiéu en Rouoio…

Noelie Rebuffel Huys
On entend encore Cocotte, Julien et Raymonde nous raconter de belles histoires au son des sonnailles…

Roya 06
Merci de faire revoir Cocotte… et Julien et Raymonde, après tout ce temps. Leurs sourires, leurs visages… que de souvenirs remontent, les cabanes de l’Adret, elles sont toujours debout d’ailleurs…

Les ânes… on en parlait déjà en février dernier… Rappelez-vous !

Jeanne Monin

Photo Roya 06
  • Les échos de la semaine
    Tempêtes…
    À la ferme !

  • Passadoc

Tempêtes...

La tempête Ciàran a d’abord ravagé les côtes finistériennes et normandes avant de dégrader celles du Nord – Pas-de-Calais…

Il y a plus de 40 ans, ce sont des inondations qui dévastaient les départements occitans ; ainsi à Roquebrune-sur-Argens en 1977. (Photo A. Abbe).

Claude Boyer
La pire a été la catastrophe de juin 2010 qui a fait une trentaine de morts… 

Ceci dit, des débordements de l’Argens j’en ai connu quelques-uns quand j’étais gamin.
Ça inondait quelques cabanons dans la plaine où il n’y avait que des cultures. Depuis on a construit, bétonné, goudronné, supprimé des ruisseaux et même installé une zone industrielle à “La Palud” !… 

Palud-paludisme-moustique-marécage… Ça n’a interpellé personne le nom du quartier ?… Si on rajoute à ça les rives de l’Argens qui ne sont pas entretenues et son embouchure constamment ensablée, on obtient autant d’obstacles au bon écoulement de l’eau à la mer… Et on pousse des cris d’orfraie quand il y a des dégâts.

À la ferme !

Photo A. Abbe

1984 – La ferme des Michel. François est dubitatif…
– C’est vraiment avec ça qu’on fait du jambon ?

Claude Boyer
 
Voici l’histoire de Charlotte, la truie du loto de Noël… Je vous parle d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître !
 
En ces temps reculés, lors des traditionnels lotos de fin d’année, les gagnants d’une quine emportaient quelques grives, un faisan, une lièvre ou tout autre gibier.
Ces “lots” étaient suspendus à la devanture du Grand Café de la Place. C’était au siècle, que dis-je au millénaire dernier, avant que notre monde actuel n’invente les Eurocrates et leur manie de tout aseptiser pour nous faire vivre dans un monde fade comme une soupe sans sel, peuplé de directives et d’interdits qui font entre autres que les gains au loto se limitent à un micro-ondes ou un aspirateur.
 
Parfois le carton plein était récompensé d’un cochon vivant, ou plutôt un porcelet … c’est l’histoire que je vais vous raconter.
 
Un soir, l’épicier du village se trouva bien embêté lorsqu’il gagna une jeune truie, il habitait en appartement et ne pouvait loger son lot. Mon père présent au loto lui proposa d’héberger son cochon car nous vivions à la campagne et avions encore un cochonnier qui n’avait pas vu de porc depuis longtemps et servait de cafoutche pour les outils, les canesteù, les charrues et tout le matériel nécessaire à tout bon paysan.
 
Les accords furent passés, mon père ramena la bête à la maison : il fournira le gîte et son copain l’épicier se chargera du couvert avec les restes de son commerce qui, avec les nôtres, auront tôt fait d’engraisser le bestiau. Étant convenu qu’une fois arrivé à maturité, il serait proprement transformé en jambon, saucisson et côtelettes que se partageront les protagonistes du tacite contrat.
 
Ce soir-là, ce fut la fête à la maison, ma sœur et moi étions ravis. Nous allions avoir une truie que nous baptisâmes, allez savoir pourquoi, Charlotte. Loin de se douter du sort funeste qui l’attendait elle prit possession de ses quartiers dûment vidés de leur hétéroclite contenu.

Les mois qui ont suivi virent grossir notre hôte, laquelle fut à l’origine de bien des disputes entre ma sœur et moi pour savoir à qui venait le tour d’aller lui porter sa pitance.

Puis vint le jour où il était temps pour Charlotte d’être immolée sur l’autel de la charcuterie.
 
Bien évidemment, nous nous étions attachés à elle et il était hors de question que nous assistions à la mise à mort, que nous entendions les hurlements de son trépas. C’est ainsi que le jour du sacrifice – avant que n’arrive le boucher engagé pour l’occasion – à notre grand étonnement notre mère nous endimancha et nous prîmes le car avec elle pour aller « promener à Saint-Raphaël », chose qui n’était jamais arrivée, mais à l’époque les enfants obéissaient et ne posaient pas de questions.
 
Lorsque nous sommes revenus tout était consommé…
Un monsieur était venu acheter Charlotte car elle était devenue trop grosse et nous ne pouvions plus la garder.
 
Étant plus âgé que ma sœur, je me contentais de l’explication me doutant bien que cette escapade raphaëloise cachait quelque chose en rapport avec la disparition de notre Charlotte jusqu’au jour où je sentis une odeur de salaison provenant de “la chambre du fond”, chez mes grands-parents. Poussé par la curiosité, je profitais d’un instant de solitude dans la maison pour aller soulever le drap sous lequel on devinait des formes et ce que je découvris me renseigna sur le sort de Charlotte proprement débitée et salée dans les règles de l’art.
 

Je ne dis rien à ma sœur pour ne pas la peiner et gardai ma découverte par devers moi car je me serais fait gronder pour être allé fouiller, chose qui ne se faisait pas.

Pendant quelque temps j’ai eu du mal à avaler une rondelle de saucisson ou une tranche de jambon, je revoyais le groin de Charlotte passer par-dessus la porte du coconnier quand nous lui apportions son repas.

Mauricette Laborie
C’était ainsi autre fois, moi je m’en souviens très bien !!! Nous étions heureux !

Maryse Laugier
– Mes grands parents aussi avaient un cochon et j’entends encore se cris… on ne m avait pas assez éloignée… J’ai pleuré pendant deux jours ; je le revoie encore tout rose et gentil.
J’aurais pu devenir végétarienne !

Giselle Peinat-Laborde

L’histoire de Charlotte et du “cochonnier cafoutche” me renvoient à mille souvenirs d’enfance dans la maison familiale à Roquebrune-sur-Argens.

Mes grands-parents avaient toujours un ou deux cochons, voire une petite famille, dans le cochonnier situé dans une annexe dans le jardin. Je n’ai pas connu cette glorieuse époque ni celle de l’un des derniers locataires des lieux qui fit de la résistance en pleine occupation allemande …

Ces faits héroïques étaient systématiquement contés à chaque grand repas de famille… Combien de fois ai-je dû avec mon frère entendre ces histoires pagnolesques, rentrées dans les annales historiques de la famille, tant en patois qu’en français ?

Revenons à notre cochon résistant : quand les troupes allemandes occupèrent la Provence, la maison fut rapidement réquisitionnée par l’occupant, il fallut dès lors se mettre au pas de la colocation avec les casques à pointe, après que voiture, chevaux, cochons, volaille, lapins, fruits, légumes, vin et tout ce qui pouvait être utile à la Wehrmacht furent embarqués. Un cochon résista aux représailles car il était né handicapé et n’était pas encore non plus adulte.

J’imagine encore mon grand-père, raide et droit comme un I, ceint de sa taillole provençale et drapé dans son honneur bafoué d’ancien combattant, expliquer à l’officier allemand chargé des réquisitions, que ce brave cochon était inconsommable car trop jeune encore mais surtout gravement malade, se traînant lamentablement sur un jambon, voué à une fin certaine proche…

Les handicapés n’étaient pas très appréciés  par les soldats allemands, qui leur réservaient le plus souvent un sort tragique. Ils craignaient souvent, de par leur sens aigu de l’hygiène, aussi quelques maladies transmissibles, donc notre cochon resta dans son cochonnier et eut la vie sauve. Il continua malgré toutes les restrictions imposées à s’empiffrer et à grossir se traînant sur sa patte atrophiée. Notre cochon, baptisé Adolf pour la circonstance par mon grand-père, vivait sa vie en sursis dans son cochonnier et prospérait dans l’attente de jours meilleurs …

Après le passage d’officiers de la Wehrmacht, francophiles et francophones, qui laissèrent un bon souvenir à la famille malgré les circonstances, changement de climat brutal : les derniers colocataires furent des SS, qui menacèrent maintes fois de fusiller toute la famille – il faut dire que mon père et mon grand-père ne les épargnaient pas et leur jouaient souvent des mauvais tours, à leurs risques et périls – mais contre toute attente, ils ne s’occupèrent pas du cochon, ni trop des allées et venues de mon grand-père au jardin, car ils préféraient se soûler à mort avec tout ce qu’ils trouvaient.

 
 
En effet, le vent avait tourné en 1944 et en août la Provence fut libérée. Le 15 août 1944 toute la région fut ébranlée par les bombardements fournis sur Anthéor, qui visaient à rendre le viaduc inutilisable pour couper une voie de ravitaillement majeure de l’armée allemande occupant l’Italie du Nord. Au matin du 15 Août 1944, de 6 h 30 à 8 h, une préparation d’artillerie navale intense s’ajouta à un bombardement aérien massif.
 
Ce fut stupeur et tremblement, surtout quand mon grand-père alla nourrir Adolf, qui l’attendait, dressé sur ses 4 pattes, fier comme Artaban …

 

Dès que les Allemands eurent plié bagages et déserté la maison, pour fêter la victoire, Adolf qui avait retrouvé une posture digne d’un cochon normal, fut donc immolé sur l’autel de la Libération. Le jambon de sa patte atrophiée, qui s’était redressée comme par miracle, sous l’effet des bombardements sur Anthéor, ne fut pas mangeable.

Il y eut encore quelques occupants du cochonnier après Adolf, dont une truie gestante, Marguerite, qui avait coursé mon frère dans tout le jardin et la cave. Il devait avoir dans les 5/6 ans et l’interdiction d’ouvrir le cochonnier. Mais voilà, que jouant dans le jardin et pris par quelques démons de curiosité, il tira la chevillette, la bobinette chut et la porte s’ouvrit à grand fracas sur une Marguerite libérée, délivrée qui se précipita dans le jardin pour s’adonner consciencieusement aux activités de labourage et pâturage, elle continua sa course folle dans la cave, massacrant quelques bonbonnes et tonneaux au passage, pendant que mon frère, qui avait pris ses jambes à son cou, allait sonner l’alarme à l’étage. 
 
Marguerite, connue pour sa placidité, son bon caractère et sa gentillesse, mais assez imposante de par sa taille, fut raccompagnée manu militari dans le cochonnier après ces exploits retentissants et je pense que mon frère se fit appeler chéri ce jour-là, car le grand-père ne laissait rien passer. Guy avait dû certainement mesurer le 45 des godillots du grand-père !
 
Maman et mon grand-père maternel me contaient aussi souvent ces journées de fête autour de la tuaille du cochon à la ferme, dans les quartiers du Blavet à Roquebrune. Le propriétaire avait pour habitude de faire tuer deux cochons, l’un pour sa famille et l’autre pour la famille du fermier-métayer, en l’occurrence mon grand-père, ce avant la Seconde Guerre mondiale.
 

À paraître !

François Abbe en dira plus tout bientôt !

  • Sont cités dans La Gazette :
    André Abbe
    François Abbe
    Claude Boyer
    Pèire Imbert
    Mauricette Laborie
    Maryse Laugier
    Jeanne Monin
    Myrmyrs de Comps
    Giselle Peinat-Laborde
    Noelie Rebuffel Huys
    Roya 06
    Valval

  • Rédactrice en chef
    Jeanne Monin

Passadoc