C’était en 1975, peu avant son décès, devant une bergerie dans le massif des Maures à Roquebrune.
Ces boucs servent à mener les troupeaux lors de la transhumance à pied.
Il arrive parfois qu’il neige en montagne au mois d’octobre. À ce moment-là, ces boucs costauds et hauts sur pattes tracent un passage dans la neige que tout le troupeau peut suivre.
Jeanne Monin
Comment était ton ami ?
À le voir ainsi, on n’imagine pas un homme exubérant mais plutôt un taiseux… heureux avec ses chèvres et seulement le calme de l’alpage.
Te reconnaissant, il lève simplement la main, c’est sa manière de te dire :
– Bonjour ! Merci d’être venu jusqu’ici ! Assieds-toi…
… et il ouvre son sac, tend une tranche de pain et un morceau de saucisse sèche, sa façon de t’inviter à déjeuner.
C’est son père qui lui a offert cette besace à sa première transhumance, il avait à peine 18 ans. Le cuir est bien fatigué, bien griffé, bien racorni, mais il ne la changerait pour rien au monde.
Tard ce soir, quand les bêtes seront parquées à l’abri des prédateurs, il s’allongera sur l’herbe encore chaude de soleil, les bras repliés sous sa tête lui faisant un oreiller et il regardera le ciel…
Août, c’est le mois des Perséides, le temps des étoiles filantes ; elles traverseront la nuit et il pensera peut-être au berger de Daudet* qui répondait à la jeune Stéphanette s’étonnant de cette lumière traçante :
— Qu’est-ce que c’est ?
— Une âme qui entre en paradis, maîtresse.
(* “Lettres de mon moulin“).
.
À moins qu’il ne fut le plus joyeux des lurons !